Psychopathologie et addictions
La plupart des syndromes d’abus ou de dépendance de substances psychoactives s’accompagnent d’un risque accru de troubles psychiatriques, notamment de troubles dépressifs, anxieux et psychotiques. Les liens entre addiction et suicide sont patents et complexes. La dépendance à la nicotine multiplie par 2,5 le risque de passage à l’acte suicidaire, la dépendance au cannabis par 3, la dépendance à l’alcool par 10, la dépendance aux opiacés par 11 (par 17,5 si injection intraveineuse), la polytoxicomanie par 13 (par 30 si polytoxicomanie par voie intraveineuse). Un sujet alcoolodépendant sur 7 meurt par suicide et 1 suicidé sur 3 a une addiction à l’alcool. L’addiction au jeu est également un facteur de risque important puisque des idées suicidaires sont observées chez 48 à 70 % des joueurs pathologiques et que, dans certaines études nord-américaines, 10 % des suicides seraient liés au jeu pathologique. Pour autant, le lien de causalité entre addiction et suicide n’est pas direct. Les difficultés psychopathologiques sont, par ailleurs, plus en cause que le type d’addiction ; pour preuve, le caractère aussi suicidogène des addictions comportementales ( sans drogues) que des addictions aux produits. De fait, de nombreuses particularités psychopathologiques sont observées chez ces patients, quelle que soit leur addiction : niveaux élevés de dépression et de troubles anxieux, de dépendance affective et de fragilité narcissique, d’impulsivité et de recherche de sensations, d’alexythymie, de troubles de personnalité. Les antécédents personnels de pertes, de ruptures et de séparations qu’elles soient réelles ou fantasmées sont fréquemment évoqués, comme si les conduites addictives venaient court-circuiter l’angoisse générée par ces traumatismes de l’enfance ou de l’adolescence.
Traumatisme et stress post-traumatique
Depuis quelques années, les liens qui unissent traumatisme psychique et comportements suicidaires sont l’objet de nombreuses recherches. L’état de stress post-traumatique (ESPT) semble être le trouble psychique parmi les plus suicidogènes après la dépression et ce, en dehors même de toute comorbidité. L’enquête « Santé mentale en population générale » (SMPG), menée en France métropolitaine entre 1999 et 2003 sur plus de 36 000 personnes a estimé à 0,7 % la prévalence instantanée (mois écoulé) d’un ESPT complet avec une quasi-égalité de fréquence entre hommes (45 %) et femmes (55 %). En prenant une définition clinique plus élargie que celle du DSM IV, 5,3 % de l’échantillon rapportaient des troubles psychotraumatiques : personnes confrontées à un événement traumatique ; présentant ou ayant présenté des phénomènes de reviviscences de la scène traumatique ; ayant lors de l’interview au moins un élément psychopathologique en rapport avec le trauma (hyperéveil, évitement, troubles du sommeil, etc.).
Or, les sujets ayant un trouble anxieux ont un risque suicidaire significativement plus élevé que celui de la population générale mais la majorité des comportements suicidaires rencontrés chez les sujets anxieux apparaissent à la faveur d’un épisode dépressif. Dans l’ESPT, en revanche, cette comorbidité avec la dépression n’est pas toujours retrouvée. Des études épidémiologiques récentes ont démontré les liens directs entre suicide et traumatisme psychique (15 fois plus de tentatives de suicide dans le mois écoulé chez les sujets présentant un ESPT) avec un gradient croissant liant le risque suicidaire et les différentes formes de symptomatologie psychotraumatique.
Le contrat de non-suicide
L’abord des tentatives de suicide, où le taux de récidive est important avec un risque de réussite qui augmente après chaque tentative, peut s’appuyer sur des alternatives de prises en charge à type de directives anticipées. L’appel téléphonique au patient dans les jours suivant le passage à l’acte semble être une démarche préventive efficace. Le contrat de non-suicide est une autre alternative. Par entente verbale ou écrite, une personne à risque s’engage vis-à-vis de l’intervenant (psychiatre, omnipraticien ou soignant non médecin) à ne pas intenter à ses jours pour un temps limité qui constitue la durée d’engagement et au terme duquel le sujet doit être revu. A cet engagement d’intention peut s’ajouter, ou non, un engagement thérapeutique plus large. Ces « contrats de non-suicide » sont beaucoup plus souvent utilisés dans les pays anglo-saxons qu’en France, particulièrement par des disciplines non médicales. Les bénéfices potentiels de ce contrat sont la réduction de l’anxiété du sujet comme de l’intervenant, une facilitation de la communication. Ce type d’engagement fondé sur la confiance, l’alliance thérapeutique et la décision partagée doit être clair, individualisé, sensible au contexte (existence d’un soutien familial et/ou social, isolement limité, possibilité de joindre rapidement un intervenant en cas de besoin). Ses limitations potentielles sont représentées par une confiance exagérée vis-à-vis du protecteur, l’absence de possibilité d’un consentement éclairé. Il ne constitue en aucun cas un instrument de protection médico-légale et doit avant tout permettre de désamorcer une crise et de réduire l’anxiété du sujet souffrant, avant celle de l’intervenant ! Le recours à ce contrat de non-suicide est contre-indiqué pour un sujet ayant des comportements impulsifs comme en cas de consommation de drogues et/ou d’alcool.
Nice. 1re édition du Congrès Français de Psychiatrie. D’après les communications du Dr François Ducrocq (Lille) Jean-Jacques Chavagnat ( Poitiers), Vincent Dubois ( Clinique Universitaire Saint-Luc, Bruxelles).
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