Des requêtes d'imagerie mal libellées, des comptes rendus sans synthèse et à la clé des situations délicates voire conflictuelles entre confrères…
Dans un rapport d'une vingtaine de pages, l'Académie de médecine se penche sur les relations compliquées entre les médecins prescripteurs d'imagerie et les radiologues. Alors que l'imagerie occupe une place considérable dans la médecine moderne, les rapports entre cliniciens (médecins généralistes ou d'autres spécialités) et imageurs « n'ont pas toujours le niveau souhaité », tacle l'Académie.
La révolution technologique dans cette spécialité (imagerie en coupes, méthodes de stockage des clichés numériques, arrivée d’une imagerie multimodale, etc.) a entraîné la survenue de « difficultés relationnelles entre producteurs et consommateurs d’imagerie avec des conséquences médicales et professionnelles », peut-on lire.
Requêtes indigentes
Les torts sont partagés entre prescripteurs et radiologues. Les demandes d'imagerie ? Trop souvent « indigentes » et se bornant à préciser la nature de l'examen souhaité et la zone à étudier, sans décrire les problèmes cliniques à l'origine de la sollicitation. Selon une enquête menée en 2020 sur 260 patients consécutifs examinés au cours de la même journée dans un centre d'imagerie spécialisé en ostéoarticulaire, le motif de la demande d'imagerie n'était « clairement précisé » (par les généralistes ou les spécialistes) que dans 14 % des cas… soit un patient sur sept !
Ces lacunes procèdent d'un « manque de temps » – notamment chez les généralistes dont la consultation dure en moyenne une quinzaine de minutes, rappelle l'Académie – mais aussi parfois d'un « manque de compétence » du clinicien ou encore de la « forte pression » de certains patients pour obtenir une imagerie. « Une demande d’examens complémentaires, notamment d’imagerie, précoce et bâclée compense souvent un déficit d’examen clinique par manque de temps », assène l'Académie. La désertification médicale et le manque d'apprentissage du relationnel entre confrères est aussi en cause.
Cercle vicieux
Résultat, face à des libellés obscurs ou lacunaires, le radiologue devra faire lui-même… le travail du clinicien – interroger et examiner le patient – ou alors ne pas le faire et répondre à la demande de manière « vague, théorique et non orientée ». Bref, peu exploitable… D’où une « perte d’efficacité, d’argent public, de temps, une occupation indue d’un matériel lourd, parfois une irradiation inutile », énumère le rapport.
Par ricochet, le défaut de connaissance du problème clinique précis conduira souvent à un compte rendu d'imagerie de moins bonne qualité, avec la simple « description factuelle » (répertoire des structures normales et des anomalies observées) et surtout sans synthèse finale entre les constatations radiologiques et le problème clinique. La consultation des images peut de surcroît être rendue plus compliquée selon le support, par exemple à cause d'une incompatibilité entre logiciels. Avec un compte rendu évasif, et sans accès aux images, le clinicien peut se retrouver en difficulté pour la poursuite du traitement médical – ce qui engage légalement sa responsabilité. Un « véritable cercle vicieux », estime la société savante. L'Académie rappelle que cette situation a « un lourd impact médical et économique » : examens refaits, exposition à une irradiation supplémentaire, erreurs diagnostiques…
Motiver les demandes
Des améliorations sont possibles et le rapport formule plusieurs recommandations à l'égard des cliniciens et des radiologues. Les premiers sont invités à rédiger leurs demandes d'imagerie en expliquant « systématiquement et clairement » la motivation de leur prescription (quelques phrases peuvent suffire). « Les sociétés d’organes doivent être sollicitées dans le but de diffuser cette recommandation et elle doit être enseignée et encouragée dès la formation médicale, quelle que soit la spécialité clinique », préconise l'Académie.
Les radiologues, de leur côté, doivent conclure leurs comptes rendus par une synthèse, « en s'impliquant », pour donner « un véritable ancrage clinique et une utilité dans le choix de la thérapeutique ». Là encore, les sociétés de radiologie doivent être sollicitées pour diffuser les bonnes pratiques. Les industriels de l’imagerie médicale seraient bien inspirés d’« harmoniser leurs logiciels de lecture des CD et des PACS [système de gestion électronique des images médicales avec des fonctions d'archivage, de stockage et de communication rapide] », ajoute le rapport.
Enfin, l'Assurance-maladie doit aider « massivement » les cliniciens à l'acquisition d’un système informatique « puissant, adapté et évolutif ». Objectif : leur assurer un accès ergonomique et rapide aux systèmes de stockage et de transmission des images, un couplage au DMP et un circuit de demandes informatisées d’examens (dont l’imagerie) avec « menus bloquants », en lien avec des référentiels régulièrement remis à jour.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?