LES BÉNÉFICES DE l’administration rapide d’un traitement au cours de la polyarthrite rhumatoïde sont aujourd’hui bien étayés. Plusieurs travaux ont en effet mis en évidence l’importance de la mise en œuvre d’une intervention thérapeutique précoce. Celle-ci a des conséquences importantes sur l’évolution ultérieure de la maladie. En particulier, le taux de rémission est plus important et un ralentissement de la progression de la maladie est obtenu, ainsi qu’une prévention des destructions ostéo-articulaires et du handicap. Enfin, l’instauration précoce du traitement a un effet positif sur la qualité de vie des patients. De plus, il pourrait s’y ajouter une réduction des complications à long terme, notamment du développement de comorbidités, en particulier cardio-vasculaires.
C’est pourquoi la Haute Autorité de santé a précisé la stratégie thérapeutique qu’il convient d’adopter dans les six premiers mois après l’apparition des symptômes cliniques. Elle mentionne qu’il est « recommandé d’instaurer le plus précocement possible un traitement de fond chez un patient ayant une polyarthrite persistante depuis plus de 6 semaines ou érosive », afin « d’obtenir une rémission ou à défaut un contrôle de l’activité de la maladie » ainsi que « la prévention des lésions structurales et du handicap fonctionnel, la limitation des conséquences psycho-sociales » et « l’amélioration ou la préservation de la qualité de vie du patient. »
Une méthodologie novatrice, le score de propension.
Ainsi, l’importance de l’introduction précoce d’un traitement de fond dans la polyarthrite rhumatoïde pour en contrôler son évolutivité inflammatoire est bien admise, même si les preuves scientifiques sont relativement manquantes. En revanche, l’influence du délai d’initiation très précoce sur l’évolution structurale restait mal étudiée. Il était donc approprié de mettre en œuvre une étude destinée à comparer la progression radiographique à 1 an des patients présentant un rhumatisme inflammatoire débutant en fonction du délai d’instauration d’un traitement de fond, c’est-à-dire selon que celui-ci a été instauré très précocement, dans les trois mois qui suivent l’apparition des premiers symptômes, ou plus tardivement (1).
Les patients de l’étude étaient ceux qui ont été inclus dans la grande cohorte prospective nationale, multicentrique et longitudinale ESPOIR. Leurs radiographies ont été lues à l’inclusion et à l’issue d’une période de 12 mois et elles ont été évaluées conformément à la méthode développée par Sharp/van der Heijde. La progression radiographique des patients chez lesquels le traitement a été mis en œuvre dans les trois premiers mois a été comparée à celle des sujets chez lesquels elle a été commencée plus tard. La comparaison directe était toutefois délicate. En effet, la sévérité de la polyarthrite rhumatoïde influence tout à la fois la décision thérapeutique et le pronostic radiologique. C’est pourquoi l’analyse statistique des deux groupes de malades a fait appel à un ajustement en fonction du score de propension qui désigne la probabilité, pour un patient donné, d’être exposé à un traitement en fonction de ses caractéristiques, et notamment de ses facteurs pronostiques. Dans le cas de l’étude, le score de propension, également nommé « probabilité prédite », permet ainsi d’évaluer la propension du rhumatologue à prescrire un traitement de fond en fonction de la présentation initiale, clinique, biologique, radiologique notamment, de son patient. Développée par Rosenbaum et Rubin en 1983 et de plus en plus utilisée, cette méthode d’ajustement permet ainsi schématiquement l’appariement de chaque sujet traité à un sujet non traité ayant un score de propension identique. Dans les études observationnelles, cela permet de constituer deux groupes de sujets ayant des caractéristiques comparables afin de limiter les biais liés à l’allocation du traitement.
Un effet bien démontré.
Un traitement de fond a été mis en œuvre dans les 6 premiers mois chez 661 malades dont la maladie avait été initialement considérée comme sévère par le médecin. La progression radiographique de leur maladie a en effet été importante au terme des 12 mois de suivi initial (p = 0,026). L’ajustement pour le score de propension a permis de montrer que chez les patients traités très précocement, c’est-à-dire dans les 3 premiers mois, la progression radiologique moyenne a été plus faible. Elle n’a en effet été que de 1,1 point contre 1,6, cette différence étant statistiquement très significative (p < 0,001).
Ainsi, les données de la cohorte ESPOIR, issues de la pratique clinique habituelle, démontrent pour la première fois que le délai d’introduction très précoce du traitement de fond influence significativement le pronostic structural à court terme dans les rhumatismes inflammatoires débutants. Cette étude constitue ainsi un argument scientifique confirmant l’intérêt du traitement de la maladie à son tout début. La cohorte ESPOIR a par ailleurs permis de fournir des précisions sur ce diagnostic précoce, soulignant l’intérêt du facteur rhumatoïde et des auto-anticorps humains de type IgG dirigés contre les peptides cycliques citrullinés (anti-CCP) (2).
D’après un entretien avec le Pr Bernard Combe, Hôpital Lapeyronie, Montpellier.
(1) Lukas C, et coll. Efficacité structurale de l’introduction très précoce d’un traitement de fond dans les rhumatismes inflammatoires débutants. La cohorte ESPOIR. Abs. 5504.
(2) Gossec L, et coll. Relative clinical influence of clinical, laboratory, and radiological investigations in early arthritis on the diagnosis of rheumatoid arthritis. Data from the French Early Arthritis Cohort ESPOIR. J Rheumatol 2010 [ en ligne : doi 10.3899/jrheum.100267 ].
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