AUJOURD’HUI LA rémission est un objectif atteignable de façon raisonnable dans la polyarthrite rhumatoïde, que ce soit avec la corticothérapie, les traitements de fond classique comme le méthotrexate et la salazopyrine ou avec les biothérapies, avec une stratégie de traitement très précoce et un suivi rapproché des patients. Les rhumatologues doivent être ambitieux et les malades exigeants.
Mais la notion de rémission a plusieurs facettes : clinique, radiologique, fonctionnelle… Comment définir la rémission ? Sur le plan clinique, les critères utilisés aujourd’hui sont principalement un DAS 28 inférieur à 2,6 ou un SDAI < 3,3. Cependant, le DAS 28 peut être mis en défaut et il semblerait que le SDAI soit un outil plus pertinent, de plus en plus utilisé.
La durée de la rémission semble un élément important à prendre en compte. Des études récentes ont montré que, plus le temps passé en rémission clinique est important, plus le patient à des chances d’être stable sur le plan structural. La notion de poussées inflammatoires entre deux consultations est délétère. Des cohortes de suivi sur de longues périodes (de 5 à 9 ans) ont montré que les patients qui progressaient le moins sur le plan structural étaient ceux qui avaient un DAS 28 constamment bas, alors que ceux dont le DAS 28 fluctuait à chaque consultation semestrielle présentaient une évolution plus péjorative.
Enfin, la rapidité d’obtention de la rémission est également un facteur de bon pronostic pour la qualité et la durée de la rémission, et ce d’autant plus que le patient est un homme, âgé de moins de 55 ans, avec un score d’activité bas à l’inclusion.
Dissociation clinico-radiologique.
Mais la rémission clinique ne peut être le seul facteur de suivi. Chez des patients qui vont bien cliniquement, certains continuent cependant de se dégrader sur le plan structural. Cette situation concernerait, selon les études, 15 à 20 % des patients en rémission clinique, rendant impérative la surveillance des patients par radiographies standards. Cette dissociation clinico-radiologique peut être expliquée par plusieurs hypothèses. Sur le plan physiopathologique, les mécanismes d’inflammation et de résorption osseuse sont intriqués mais peuvent parfois être dissociés, avec une résorption importante et des signes inflammatoires peut présents. Cliniquement par ailleurs, les critères de rémission ne sont peut-être pas assez exigeants. Il peut y avoir des fluctuations et des poussées de la maladie non repérées à cause d’une évaluation trop espacée des patients. Enfin, il peut également exister des synovites infra-cliniques mal dépistées.
Si la notion de rémission radiologique est désormais bien appréhendée, les axes de réflexion et de recherche se portent désormais sur le concept de rémission magnétique et échographique. En effet, des études ont montré que lorsque les explorations d’imagerie sont approfondies, 46 % des patients en rémission clinique présentaient des anomalies à type d’œdème osseux à l’IRM et 43 % une activité doppler pathologique. Ces constatations laissent penser qu’il est probablement nécessaire de faire des examens complémentaires aux patients en rémission, cependant il est actuellement difficile d’établir des recommandations par manque de données dans la littérature.
Une surveillance radiologique approfondie.
L’idéal serait de pouvoir faire un suivi par IRM de la main ou du poignet, beaucoup plus sensible que les radios standards pour détecter les érosions, et surtout capable de mettre en évidence un œdème osseux. La présence d’un œdème osseux est un élément d’évaluation fondamental, car comme l’a montré l’étude CIMESTRA en 2009, il est significativement associé à une dégradation structurale à 2 ans. En pratique clinique, le suivi de tous les patients en IRM n’est cependant pas envisageable. En revanche, l’échographie-doppler est un examen simple et peu coûteux, assez bien reproductible au niveau des mains et des poignets, pouvant apporter des informations évolutives importantes. Comme cela a été montré dans une cohorte de patients souffrant de PR débutante, présentée à l’ACR l’année dernière, la présence d’une érosion à l’échographie est corrélée à une progression structurale significative à 1 an. De plus, on sait que l’existence d’une activité de vascularisation mesurée au doppler, que ce soit dans la PR débutante ou avérée, est corrélée à l’activité de la maladie et à une progression structurale radiologique à 1 an.
Les points devant être éclaircis avant de pouvoir recommander l’échographie-doppler comme examen de suivi systématique sont cependant encore nombreux. Combien d’articulations évaluées et lesquelles ? Où placer le curseur de normalité ? Il semblerait qu’on soit en droit d’avoir un degré d’exigence différent entre les patients traités par traitement classique et ceux par biothérapies. Chez un patient sous anti-TNF et méthotrexate, le risque de dégradation structurale est plus faible lors de la rémission clinique que chez ceux sous méthotrexate seul. Par conséquent, la constatation d’une activité doppler même faible chez un patient sous monothérapie de méthotrexate doit amener à réagir (changement de traitement, gestes locaux). Alors que sous anti-TNF, il est possible de tolérer une activité faible tout en augmentant la surveillance radiologique.
D’après un entretien avec le Pr Philippe Gaudin, rhumatologue à la clinique universitaire de rhumatologie au CHU d’Echirolles.
Références :
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