Arthrose digitale ou syndrome de Raynaud, la main était cette année au cœur du congrès européen de rhumatologie. Une édition 2016 marquée également par une forte connotation de médecine interne.
Une fois n’est pas coutume, cette année, lors du Congrès européen de rhumatologie (Eular, Londres, 8-11 juin) l’arthrose a volé la vedette aux rhumatismes inflammatoires avec, notamment, de nombreuses communications sur l’arthrose digitale.
La main est une des localisations les plus fréquentes de l’arthrose, mais son incidence varie dans les études de 18 à 62 % selon l’âge des patients, les critères cliniques, biologiques et radiologiques et le nombre d’articulations atteintes retenus pour le diagnostic. « Bien que l’impotence fonctionnelle et la douleur qu’elle provoque soient potentiellement aussi handicapantes que la PR, l’arthrose digitale reste mal connue et sa prise en charge insatisfaisante », a souligné le Pr Krysia Dziedzic (Royaume-Uni).
Rhizarthrose ou arthrose interphalangienne ?
On ne parle plus maintenant de « la » maladie arthrosique mais de divers phénotypes d’arthrose dont la pathogénie et la prise en charge diffèrent. L’arthrose des mains correspondrait ainsi à au moins deux maladies différentes : la rhizarthrose dans laquelle les stress mécaniques jouent un rôle majeur (on la retrouve volontiers dans des métiers manuels nécessitant une utilisation soutenue de la pince pouce/index comme les dentistes chez qui la prévalence est multipliée par 2,6) et l’arthrose des interphalangiennes relevant plutôt de facteurs métaboliques comme l’obésité. « Les facteurs génétiques constituent un des déterminants essentiels de la survenue de la maladie ; ils diffèrent selon les phénotypes de l’arthrose mais restent très mal connus. L’influence hormonale, en particulier celle des œstrogènes est controversée », rappelle le Pr Francis Berenbaum (Paris).
Autre forme dont on ne sait pas si elle représente un sous-ensemble à évolutivité particulière de l’arthrose interphalangienne ou un troisième type de maladie arthrosique, l’arthrose érosive des mains pose des problèmes majeurs par la douleur et le retentissement fonctionnel. La douleur est multipliée par 2 en présence d’une érosion radiologique et par 4 lorsqu’on recense au moins deux érosions. Le handicap fonctionnel est alors respectivement multiplié par 1,8 et 3,6. Une inflammation de bas grade est toujours présente dans les arthroses érosives avec une CRP significativement élevée alors qu’elle ne l’est pas dans les formes non érosives.
Des traitements symptomatiques mais indispensables
« Les interventions pharmacologiques s’imposent de plus en plus même si elles ne sont pas parfaitement codifiées », explique le Pr Ingvild Kjeken (Norvège). La protection articulaire est efficace sur la douleur à moyen terme. Les orthèses réduisent la douleur à court et long terme . Il peut s’agir d’orthèses fonctionnelles portées le jour ou de repos. Une étude chez 60 patients souffrant de rhizarthrose montre qu’elles améliorent significativement la douleur et l’état fonctionnel.
Les résultats de l’exercice physique au niveau des mains est difficile à évaluer tant les pratiques sont hétérogènes. Intéressant par son innocuité et le rapport bénéfice/coût, il améliore rapidement la fonction, la raideur et la douleur mais l’effet ne se maintient pas au long cours. Un programme de renforcement progressif en résistance a prouvé son efficacité sur la douleur, la fonction et la satisfaction du patient. Les dispositifs d’assistance stimulent nettement la fonction et les performances mais sans impact sur la douleur ni l’activité de la maladie. Les traitements par laser n’amènent aucun bénéfice et on manque de données sur les ultrasons ou la Neurostimulation Électrique Transcutanée. Un essai mené chez 120 patients suggère qu’une seule injection d’acide hyaluronique au niveau de la carpométacarpienne du pouce réduit significativement la douleur, la raideur et l’incapacité fonctionnelle.
Les biothérapies n’ont pas dit leur dernier mot
Après l’échec de deux essais menés avec l’adalimumab dans l’arthrose érosive des mains, la piste des anti-TNF semblait tourner court mais des études récentes pourraient la relancer. Une étude multicentrique européenne a randomisé 90 patients pour recevoir soit l’étanercept 50 mg/semaine pendant 6 mois puis 25 mg les six mois suivants vs placebo. Globalement, les résultats sont négatifs puisqu’en ITT, à 6 mois, on constate une tendance non significative pour le groupe étanercept en ce qui concerne la douleur (critère principal). En revanche, la différence devient significative à un an en per protocol et l’évolution de la maladie est moindre sous étanercept, en particulier lorsqu’il existe une inflammation synoviale, « ce qui suggère que le tissu synovial inflammatoire pourrait être à l’origine de la production de TNF dans l'arthrose érosive », estime le Dr Margreet Kloppenburg (Pays-Bas). Cette étude pointe aussi « la nécessité de cibler les patients susceptibles de bénéficier au maximum de ces traitements, ici un phénotype particulier d’arthrose digitale érosive et inflammatoire ».
Une autre étude renforce l’hypothèse du rôle du TNF dans la physiopathologie de l’arthrose digitale érosive, peut-être par un effet sur l'os sous-chondral. Une immunoscintigraphie au certolizumab (à haute affinité pour le TNF) marqué au technétium montre la corrélation entre l’intensité du marquage au TNF de l’articulation et la présence d’une synovite clinique.
DIGICOD, 1re étude de cohorte française
Pour remédier au manque de données précises sur les facteurs de risque, les marqueurs d’évolutivité de l’arthrose des mains et identifier les formes les plus sévères susceptibles de bénéficier des futurs traitements de l’arthrose, l’équipe du Pr Berenbaum a lancé en 2013 l’étude DIGICOD qui devrait inclure 500 patients souffrant d’arthrose des mains vus à l’hôpital Saint-Antoine (Paris).