Cas clinique 1
Une jeune fille de 16 ans, sans antécédent significatif souffre depuis 2 ans de douleurs persistantes de la région sacrée, avec irradiations pelviennes, périnéales et sciatiques, à prédominance nocturne.
Après avoir tenté sans succès le paracétamol, ses douleurs ont été bien soulagées par aspirine, ibuprofène ou nurofène mais avec une consommation très importante. L’intensité douloureuse moyenne est chiffrée sous traitement à 30 sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 100 mm mais les pics douloureux peuvent atteindre 100. L’imagerie confirme le diagnostic d’ostéome ostéoïde contre le troisième trou sacré droit (figure 1, octobre 2013).
Cet ostéome est proche de l’émergence du nerf pudendal, donc d’une structure neurologique sensible, le risque d’un geste radioguidé (thermocoagulation laser) ou chirurgical est jugé élevé, ce qui nous amène, après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire, à envisager un traitement médical par perfusion d’acide zolédronique. Après information détaillée et vérification de l’absence de contre-indication et accord de ses parents, la patiente reçoit une perfusion mensuelle de 4 mg pendant 3 mois.
Une évaluation clinique est faite après chaque perfusion. Les trois premières ne sont pas suivies d’une amélioration significative de l’intensité douloureuse sacropelvienne (EVA à 81/100) ou de la consommation des médicaments antalgiques mais l’irradiation sciatique a disparu et des signes d’amélioration sont observés sur l’imagerie. Cela conduit à prolonger le traitement, à un rythme trimestriel. Après 2 perfusions supplémentaires, l’amélioration est nette : diminution de la douleur sacrée (EVA à 30/100), disparation des irradiations et diminution franche de la consommation d’antalgique. Les signes d’amélioration sont également confirmés sur l’imagerie : minéralisation quasi complète de l’ostéome et disparition de l’œdème périlésionnel (figure 1, janvier 2015). Le traitement est interrompu et l’évolution est satisfaisante avec 2 ans de recul.
[[asset:image:7206 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Cas clinique 2
Un jeune homme de 26 ans, sans antécédent significatif souffre depuis 2 ans de douleurs cervicales et scapulaires G, sans irradiation plus bas dans le bras. Les douleurs sont permanentes, nocturnes et diurnes, mal soulagées par les antalgiques ou anti-inflammatoire non stéroïdiens (AINS), avec une intensité douloureuse chiffrée à 87 sur une EVA de 100 mm. Après une période d’errance diagnostique, des imageries scanner et une IRM découvrent un ostéome ostéoïde de la partie postérosupérieure du corps de C5. L’aspect est typique, constitué d’un nidus central hypominéralisé avec une zone périphérique de tissu calcifié et d’un œdème étendu en IRM (figure 2, février 2016).
La localisation de cet ostéome, contigu au canal médullaire et au foramen, comportant des risques en cas de geste radioguidé ou chirurgical, conduit à proposer le même traitement médical par perfusion d’acide zolédronique. Après information détaillée et vérification de l’absence de contre-indication, le patient reçoit une perfusion mensuelle de 4 mg pendant 3 mois.
Un mois après la troisième perfusion, l’évaluation clinique et d’imagerie indique une évolution favorable : diminution considérable de l’état douloureux (EVA à 31/100) et de l’œdème périlésionnel sur l’IRM, minéralisation quasi complète du nidus IRM (figure 2, juillet 2016). Avec un an de recul, les douleurs n’ont pas récidivé.
Photocoagulation ou électrocoagulation
Le traitement de référence actuel de l'ostéome ostéoïde est la destruction percutanée du nidus sous contrôle scanner par photocoagulation au laser (France, Europe) ou électrocoagulation par radiofréquence (États-Unis). Cette technique simple peut être réalisée en unité de traitement ambulatoire, avec un succès rapide, de rares complications et des récidives peu fréquentes (3 %). L’alternative peut être chirurgicale en cas d’accès risqué ou de récidive. Cependant, comme cela est illustré dans les 2 cas cliniques présentés, certaines localisations peuvent poser problème pour les deux techniques : c’est le cas des ostéomes ostéoïdes rachidiens proches des ganglions spinaux ou de la moelle ou des ostéomes ostéoïdes juxta-articulaires sous-chondraux, particulièrement à la hanche (tête fémorale, cotyles), localisations fréquentes.
Réponse précoce chez plus de 80 % des patients
Cela nous a conduits à évaluer l’effet d’un traitement médical par bisphosphonate intraveineux. Avec une équipe de Bordeaux, une série ouverte de 23 patients est en cours de publication (1). Chez des patients ayant une durée moyenne d’évolution douloureuse de près de 2 ans avec une EVA douleur moyenne à plus de 75/100 mm, les perfusions de pamidronate ou acide zolédronique ont été suivies d’une réponse précoce chez plus de 80 % des patients, persistante à long terme (recul de plus de 18 mois) chez près de 75 % (en raison de 2 rechutes douloureuses), avec une diminution de plus de 75 % de l’intensité de la douleur, permettant une diminution importante voire un arrêt des prises de médicaments symptomatiques. L’évolution de l’imagerie est également intéressante, suggérant une accélération du processus naturel de guérison de l’ostéome : diminution de la surface et minéralisation du nidus, régression de la surface et de l’intensité de la réaction œdémateuse périlésionnelle.
Ces constatations favorables ont conduit à renforcer cette évaluation dans le cadre d’un protocole multicentrique français soutenu par le PHRC, l’essai BISPHOO avec une promotion de l’APHP. Il s’agit d’un essai de non-infériorité comparant l'effet de trois cycles d'acide zolédronique et de l’ablation thermique percutanée (comparateur actif). L’objectif principal est de démontrer que le traitement par trois cycles mensuels intraveineux d'acide zolédronique est non inférieur au traitement par ablation thermique percutanée sur le pourcentage de soulagement de la douleur entre l’inclusion et 4 mois. Sont également évalués : l’impression globale de changement par le patient, la décision du patient au quatrième mois de poursuivre avec une prise en charge médicale ou avec une intervention de destruction tumorale percutanée, l’aspect d’imagerie (œdème périlésionnel en IRM et minéralisation du nidus en TDM) au quatrième et au douzième mois et la tolérance des deux traitements.
Rendez-vous pour les résultats dans 3 à 4 ans !
Hôpital Lariboisière (Paris)
(1) Bousson et al. Eur J Radiol
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