Le facteur rhumatoïde (FR) a pendant longtemps été le marqueur de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Les anticorps antiprotéines citrullinées (ACPA) lui ont depuis volé la vedette, sans toutefois le faire abandonner. Les ACPA reconnaissent des protéines du soi ayant subi une « citrullination », transformation d’une arginine en citrulline, processus physiologique qui se déclenche sous l’action d’enzymes peptidylarginines déiminases, d’origines endogène et exogène. Au sein des PR, ces anticorps sont essentiellement retrouvés chez les patients des groupes HLA classiquement associés à la PR : DR4 et DR1.
Les recherches menées au cours de ces dernières années ont permis d’identifier différents sites où pourrait avoir lieu une citrullination favorisant la survenue de la maladie, foyers à partir desquels s’enclencherait le processus immun : les poumons (sous l’impact du tabac), la cavité buccale (par le biais de la parodontite et de la bactérie Porphyromonas gingivalis qui utilise une peptidylarginine déiminase), le tube digestif (avec là encore le rôle d’une bactérie, Prevotella copri, et d’une enzyme de la même famille), ainsi que les sécrétions cervicovaginales. Selon des données présentées lors du dernier congrès du Collège américain de rhumatologie, des ACPA sont trouvés dans les fluides cervicovaginaux avec une fréquence plus élevée chez les femmes porteuses d’un dispositif intra-utérin.
Des tests multiplex pour les ACPA
Autre évolution, le développement de tests multiplex pour identifier les ACPA, qui reconnaissent une grande diversité de protéines, dont le spectre s’élargit avec le temps. « À la différence du dosage des anti-CCP2, réalisé à partir d’une soupe de peptides citrullinés synthétisés de façon aléatoire, ces tests multiplex permettent de préciser le nombre et le type de protéines reconnues par les ACPA », précise le président de la Société française de rhumatologie, le Pr Alain Cantagrel (Toulouse). S’ils n’améliorent pas les performances diagnostiques par rapport à l’anti-CCP2, ils pourraient en revanche avoir un intérêt pour identifier les patients ayant une arthrite débutante qui va évoluer vers une PR.
Leur valeur pronostique, mise en évidence dans des études menées sur des cohortes de PR débutantes, semble remise en cause par des données récentes qui ne montrent pas de différence quant à l’activité de la maladie selon le statut ACPA après quatre à cinq ans d’évolution. Toutefois, ces résultats sont d’interprétation difficile, « car les traitements avaient tendance à être plus agressifs chez les patients ACPA positifs », note le Pr Cantagrel. Un travail récent a montré que le recours à au moins un traitement biologique dans les deux premières années d’évolution de la PR était plus fréquent chez les patients ayant un statut ACPA positif (9 %) que chez ceux ayant un statut ACPA négatif (1 %).
L’intérêt pronostique des ACarPA
Une autre famille d’anticorps fait l’objet de recherches, sans applications cliniques pour l’instant : les ACarPA (anti-carbamylated protein antibodies), qui reconnaissent des protéines du soi ayant subi une carbamylation post-traductionnelle. Il s’agit, comme pour la citrullination, d’un processus physiologique, au cours duquel la protéine subit un changement d’acide aminé (la lysine remplacée par l’homocitrulline), et donc de structure tridimensionnelle, ce qui déclenche une réaction immune. À la différence du cas des ACPA, ce processus, favorisé par l’inflammation, est chimique et non enzymatique.
Des données publiées récemment par l’équipe de rhumatologie du CHU de Bordeaux, à partir de la cohorte Espoir, soulignent la plus grande fréquence des ACarPA au cours des arthrites débutantes : 23,6 % des patients FR négatifs et ACPA négatifs les développent. En termes diagnostiques, ils paraissent moins sensibles et moins spécifiques que les autres anticorps, mais ils pourraient avoir un intérêt pronostique plus élevé. Ils sont en effet associés à des arthrites débutantes plus inflammatoires, plus souvent érosives, pour lesquelles la réponse thérapeutique est plus lente et le recours aux biothérapies plus fréquent.
Ainsi, les ACarPA pourraient être complémentaires des ACPA au moment du diagnostic de la PR, en permettant de mieux évaluer la sévérité potentielle de la maladie. Leur utilisation reste pour l’instant du domaine de la recherche.
D’après un entretien avec le Pr Alain Cantagrel, président de la Société française de rhumatologie, CHU Purpan (Toulouse).
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