Dans le contexte du vieillissement de la population et de l'augmentation des thérapeutiques oncologiques disponibles, les antécédents ou l’apparition d’un cancer chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) sous biothérapie représentent une problématique majeure.
Un surrisque oncologique établi pour la PR
En cas de polyarthrite rhumatoïde (PR), il existe un surrisque oncologique, avec un taux d’incidence standardisé (SIR) de 1,20 (IC 95 % [1,17–1,23]). Le risque d’hémopathies est plus élevé que dans la population générale, notamment le risque de lymphome, qui est corrélé à l’activité de la maladie rhumatismale. On observe également un surrisque de cancers de la vessie et du poumon, en partie lié à l’exposition au tabac. Il existe un signal concernant le risque de cancer du col de l'utérus, retrouvé aussi chez les patients sous différents immuno-suppresseurs dont les anti-rejets. Pour les patients atteints de spondyloarthropathies (SPA), il ne semble pas y avoir de surrisque oncologique par rapport à la population générale.
De par ce surrisque oncologique, il est nécessaire que nos patients soient à jour de leur dépistage, selon les recommandations en population générale . À ce jour, on propose entre 50 et 74 ans un dépistage des cancers du sein et colorectal, tous les deux ans, respectivement par mammographie et test immunologique des selles. Le dépistage du cancer du col de l’utérus s’effectue par frottis cervico-utérin ou test HPV, selon l’âge des patientes, entre 25 et 65 ans. En 2025, la couverture vaccinale contre le HPV étant insuffisante ; la vaccination doit être proposée chez les jeunes patients. Pour le cancer de la prostate, le dépistage reste individuel, fondé sur le dosage du PSA et l’examen clinique. Quant au cancer du poumon, il n’existe pas encore de dépistage généralisé, mais est à discuter au cas par cas un scanner thoracique à faible dose. L’arrêt du tabac doit être fortement encouragé chez tous les patients, ainsi que l’activité physique et une alimentation équilibrée.
Données rassurantes sur les anti-TNF
Se pose aussi la question d’un risque oncologique inhérent au traitement immunosuppresseur et donc aux biothérapies. La classe des anti-TNF pour laquelle on a le plus de recul, et plusieurs études observationnelles ne retrouvent pas de surrisque global de cancer comparé aux traitements conventionnels, à l’exclusion des tumeurs cutanés non mélanomateuses.
À la suite de l’étude Oral Surveillance et des recommandations du comité d’évaluation des risques en pharmacovigilance (PRAC), un surrisque oncologique a été suspecté avec les inhibiteurs de JAK par rapport aux anti-TNF. Par conséquent, des précautions spécifiques sont recommandées : les inhibiteurs de JAK ne sont pas à envisager en première intention chez les patients à haut risque de cancer, de plus de 65 ans ou tabagiques.
De par le mécanisme de l’abatacept, qui s’oppose à celui de l’immunothérapie, et à la lumière de certaines études retrouvant un surrisque oncologique à l’utilisation de cette molécule, elle ne doit pas être proposée chez les patients avec antécédent oncologique. En l’absence d’alternative thérapeutique, une discussion collégiale chez les patients à haut risque de cancer devra être réalisée.
Le rituximab et le tocilizumab ne semblent pas montrer de surrisque, mais ces données sont à contrôler par des études de plus grande ampleur.
Les données sur les classes thérapeutiques plus récentes (par exemple anti-IL-17, anti-IL-23) sont insuffisantes pour conclure.
Quel traitement de fond en cas d’antécédent oncologique ?
Des recommandations Eular concernant la mise sous traitement de fond des RIC chez les patients avec antécédents oncologiques ont été publiées en 2024. Il est nécessaire de connaître le risque oncologique individuel de chaque patient, avec une évaluation oncologique récente et une décision partagée entre l’oncologue et le patient. Il existe une balance bénéfice risque en faveur du contrôle de la maladie rhumatismale, et à la mise sous traitement de fond en cas de maladie active. Actuellement, en cas de nécessité d’un traitement ciblé du RIC, le délai minimum entre l’initiation et la rémission du cancer est discuté au cas par cas, sans restriction. Les auteurs préconisent, en cas d’antécédent de cancer solide hors mélanome, en première intention un traitement par anti-TNF. On peut noter que les lymphocytes B ont un rôle dans l’immunité antitumorale, qui fait limiter la prescription du rituximab en cas d’antécédent de cancer solide, sans surrisque oncologique retrouvé dans la littérature. En cas d’antécédent de lymphome, un traitement permettant la déplétion des lymphocytes B par rituximab sera préféré.
(1) Sebbag E et al. Ann Rheum Dis. 20 déc 2024;ard-2024-22598
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