La présentation initiale était dermatologique : lésions érythémateuses prurigineuses péri orbitaires bilatérales étendues en 4-5 jours au tronc et membres. Dix jours plus tard, est apparue une polyarthrite touchant les mains, les épaules, les genoux, les chevilles et les pieds avec un dérouillage de plusieurs heures associée à un œdème cutané important et une fièvre vespérale. Une pharyngite était également présente.
À l’examen, un œdème liliacé des paupières était associé à une éruption cutanée érythémateuse du visage, du tronc et des membres. L’atteinte articulaire, touchait les deux genoux et plusieurs articulations des mains. Il n’y avait pas de myalgie. L’auscultation cardiaque et pulmonaire était normale. Une fièvre à 39 °C à recrudescence vespérale était présente en cours d’hospitalisation.
Bilan biologique : syndrome inflammatoire et hyperferritinémie
Le bilan biologique initial a mis en évidence un syndrome inflammatoire marqué (CRP à 202 mg/L), une hyperleucocytose à 13 600/mm3 à majorité de PNN (12 200/mm3) qui s’est majorée jusqu’à 36 000 (dont plus de 80 % de PNN), le taux de créatine phosphokinase (CPK) était normal à 150 UI/L mais la troponine élevée à 1 700 ng/L.
Les hémocultures se sont avérées négatives. Un bilan infectieux poussé bactérien et viral est revenu négatif. Une échographie cardiaque transthoracique n’identifiait aucun signe d’ischémie, ni végétation valvulaire. Le TDM TAP révélait une splénomégalie et une augmentation en nombre des nœuds lymphatiques superficiels et profonds sans caractère hypertrophique.
Un bilan auto immun (FR, FAN anti ENA) était négatif. La ferritine était très augmentée à plus de 50 000 µg/L avec un effondrement de la ferritine glycosylée à 10 % qui a permis d’orienter le diagnostic. Les radiographies des articulations douloureuses étaient normales. Devant la troponine très augmentée, une IRM cardiaque a été réalisée sans argument pour une myocardite.
Le diagnostic de maladie de Still de l’adulte a été porté sur les arguments cliniques - avec l’association d’atteinte cutanée, rhumatologique, cardiaque et la pharyngite - et biologiques avec une hyperferritinémie et une baisse de la ferritine glycosylée. La patiente répondait aux critères de Fautrel (1) et de Yamaguchi (2). Cette patiente a présenté une forme systémique et seul le suivi nous permettra de dire son caractère monocyclique ou polycyclique.
Un traitement par corticoïdes, méthotrexate et tocilizumab
Un traitement par corticoïdes (4) à forte dose (1mg/kg par voie orale) a été introduit dès le diagnostic, associé rapidement au méthotrexate injectable. L’évolution n’étant pas suffisamment satisfaisante après 10 jours de corticoïdes (persistance des signes cliniques cutanés, articulaires et de la pharyngite, absence de diminution du syndrome inflammatoire et de la ferritine), un traitement de fond associé a été introduit. Il s’agissait de l’anakinra, un antagoniste de l’IL-1 (5, 6), en injection sous cutanée quotidienne. Quelques jours après le début de ce traitement, une majoration des lésions cutanées faisait suspecter une toxidermie, infirmée par le dermatologue. Cependant, de nouveau la réponse anti-inflammatoire n’était pas suffisante après 7 jours d’anakinra avec une non-régression des signes cliniques et biologiques. Il est alors décidé d’introduire un traitement par tocilizumab (7) à la dose de 8mg/kg en perfusion mensuelle.
L’évolution sera finalement favorable sous tocilizumab, méthotrexate injectable (15mg/semaine) et corticoïdes en décroissance progressive avec une quasi-normalisation de la ferritinémie (303 µg/L pour une normale entre 15 et 250) en 3 mois. Le rash cutané a régressé ainsi que les polyarthralgies et l’œdème cutané. Il n’y a pas eu de récidive de fièvre vespérale.
Des contrôles biologiques répétés ont été réalisés afin de ne pas méconnaître un syndrome d’activation macrophagique (SAM), complication grave de la maladie de Still de l’adulte, associée à une augmentation de la mortalité. Le SAM survient principalement au début de la maladie de Still. Les manifestations sont principalement biologiques : pancytopénie, hyperferritinémie, hypertriglycéridémie, hypofibrinogénémie et cytolyse hépatique. Le diagnostic est confirmé par le myélogramme, qui retrouve une hémophagocytose.
La maladie de Still est une maladie dont la physiopathologie reste inconnue, entre les mécanismes des pathologies auto-inflammatoires et auto-immunes. Il faut l’évoquer devant un tableau cutanéoarticulaire associé à une fièvre vespérale et une hyperferritinémie majeure. Les critères de classification permettent de confirmer le diagnostic. Il faudra éliminer les causes infectieuses, néoplasiques et auto-immunes. Une fois le diagnostic confirmé, le syndrome d’activation macrophagique doit être systématiquement recherché. Le traitement de 1e intention reste les corticoïdes, mais devant les formes rebelles les biothérapies (anakinra et tocilizumab) s’avèrent efficaces.
Service de Rhumatologie, Hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris
(1) B. Fautrel, E. Zing, J.L. Golmard, G. Le Moel, A. Bissery, C. Rioux, et al.Proposal for a new set of classification criteria for adult-onset still disease. Medicine (Baltimore), 81 (2002), pp. 194-200
(2) M. Yamaguchi, A. Ohta, T. Tsunematsu, R. Kasukawa, Y. Mizushima, H. Kashiwagi, et al. Preliminary criteria for classification of adult Still's disease. J Rheumatol, 19 (1992), pp. 424-430.
(3) Jacques Pouchot, Biological treatment in adult-onset Still's disease, Best Practice & Research Clinical Rheumatology, 2012, 477-487.
(4) P. Efthimiou, P.K. Paik, L. Bielory. Diagnosis and management of adult onset Still's disease, Ann Rheum Dis, 65 (2006), pp. 564-572
(5) K. Laskari, A.G. Tzioufas, H.M. Moutsopoulos. Efficacy and long-term follow-up of IL-1R inhibitor anakinra in adults with Still's disease: a case-series study. Arthritis Res Ther, 13 (2011), p. R91
(6) T. Lequerré, P. Quartier, D. Rosellini, F. Alaoui, M. De Bandt, O. Mejjad, et al. Interleukin-1 receptor antagonist (anakinra) treatment in patients with systemic-onset juvenile idiopathic arthritis or adult onset Still disease: preliminary experience in France. Ann Rheum Dis 2008; 67:302.37.
(7) Yokota S, Imagawa T, Mori M, et al. Long-term treatment of systemic juvenile idiopathic arthritis with tocilizumab: results of an open-label extension study in JapanAnn Rheum Dis, 72 (2013), pp. 627-628
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024