LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Pourquoi la pornographie pose problème chez les jeunes selon vous ?
Pr ISRAËL NISAND : Les sites pornographiques contreviennent, au vu et au su de tout le monde, à la loi de la France sur la protection des mineurs. La liberté pour cette industrie de gagner de l’argent ampute celle de nos jeunes de se construire sans subir cette ingérence psychique grave. Sa stratégie de gratuité expose de fait nos jeunes dès 9 ans à des images que personne ne souhaite pour ses enfants. Le contrôle parental est illusoire, puisque ces séquences sont visionnées à l’école sur les smartphones des copains. Impossible de refuser de les regarder, ce serait s’exclure de la bande. Tous nos jeunes y sont donc exposés, qu’ils le veuillent ou non.
Si la pornographie peut faire partie de la vie privée des adultes sans nuisance, elle est en revanche fort malvenue pendant le temps de la maturation cérébrale, émotionnelle et affective. Certains développent d’ailleurs une véritable addiction. Ces images sont faites pour des adultes, et un adolescent de 12 ans ne peut pas se défendre contre la trompeuse « véracité » de ce qu’il visionne. Il n’a pas l’appareil critique pour relativiser ce qu’il voit. Il peut être hypnotisé, fasciné, et même excité par la violence des images, qui d’ailleurs le mettent en difficulté car jamais, pense-t-il, il ne sera capable d’une telle « performance ».
La loi peut-elle vraiment être respectée ?
Face à cette contravention manifeste à la loi sur la protection des mineurs, la question adressée au monde politique est de savoir ce qui est fait pour que la loi de la France soit respectée. La réponse jusqu’ici est hypocrite : il ne serait pas possible de censurer Internet. C’est faux. Les images sont délivrées sur le territoire national via des fournisseurs d’accès qui ont pignon sur rue et disposent bel et bien d’une autorisation de diffusion. Les sites qui se mettent en contravention avec la loi devraient être taxés sévèrement par des amendes exponentielles en cas de récidive, et le cas échéant fermés jusqu’à modification de leur comportement. On le fait déjà pour les sites pédopornographiques ou de jeu en ligne.
La demande de tous les parents de France est simple : le respect de la loi de la France par tous. Pas de délivrance de ces images sans avoir vérifié préalablement que le client n’est pas un mineur. Un numéro de carte bancaire avant la diffusion de la première image, comme dans les hôtels, est bien sûr la solution la plus efficace.
Quels sont les enjeux sociétaux de la diffusion massive de ces images ?
Face à cette augmentation sans précédent de la consommation de pornographie chez les tout jeunes, deux postures collectives sont possibles : le renoncement actuel – rien n’est possible contre la liberté sans bride, et tant pis si cela nuit à nos enfants –, ou la correction de cette anomalie par les moyens légaux pour que cet accès gratuit, en stabulation libre, cesse.
L’opinion publique est véritablement unanime sur cette question, et faire respecter la loi ne générerait aucun coût. Il est donc incompréhensible que nous n’ayons rien entrepris, sauf à considérer que des profits aussi importants méritent d’être protégés, coûte que coûte.
Et si nous protégions nos enfants en défendant leur liberté de mûrir à leur vitesse sur les plans psychique et intime, sans les confronter, malgré eux, à des références misogynes, violentes et perverses ?
exergue : Exigeons un numéro de carte bancaire avant la diffusion de la première image, comme dans les hôtels
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