En s’intercalant entre PSA et biopsies, l’IRM est-elle en passe de résoudre les problèmes de surdiagnostic et de surtraitement inhérents au dépistage des cancers prostatiques ? S’il est encore trop tôt pour répondre avec certitude, de plus en plus de données plaident dans ce sens. Et confirment les bonnes performances de cet examen. Des travaux dont s’est largement fait écho le 108e congrès de l’Association Française d’Urologie.
L’imagerie par résonance magnétique offre désormais toutes les garanties d’un bon outil de screening pour remplacer les biopsies prostatiques systématisées en cas de PSA ou de toucher rectal suspect. L’emploi de l’IRM, si elle est négative, limiterait ainsi le surdiagnostic actuel dû à la détection de micro-foyers par les biopsies systématisées. Une piste étayée par de nombreuses études présentées lors du 108e congrès
de l’Association Française d’Urologie (AFU, 19-22 novembre 2014, Paris).
Un bon filtre pré-biopsie
Aujourd’hui, la biopsie est indiquée en cas de toucher rectal suspect et/ou si le PSA dépasse 4 ng/ml ou en dessous de 4 ng/ml si la cinétique dépasse de 0,5 ng/ml/an. Or, cette cartographie par biopsies randomisées échantillonne mal certaines régions de la prostate comme la partie antérieure qui héberge pourtant un cancer prostatique sur cinq. Un essai conduit au CHU de Grenoble présenté lors du congrès a d’ailleurs montré que seule l’IRM pouvait localiser les tumeurs antérieures. Dans neuf cas sur dix, les biopsies randomisées seules n’auraient pas permis de faire le diagnostic.
De plus, ces biopsies systématiques repèrent des micro-foyers de bas grade (inférieur à 3 mm sur une ou deux biopsies) mais que les spécialistes ne souhaitent pas forcément diagnostiquer. C’est pourquoi, tout test pouvant trier les patients avant de leur faire subir une biopsie est le bienvenu.
L’IRM multiparamétrique (IRM-mp), constituée de plusieurs séquences, est, pour l’instant, le meilleur candidat. Elle se révèle très sensible pour visualiser les cancers de volume suffisant (› 0,5 cc-0,5 ml) ou agressifs et qui nécessitent d’être traités, tout en ignorant les micro-foyers.
L’IRM a démontré de façon incontestable dans la littérature une valeur prédictive négative de plus de 95 %, seuil à partir duquel on peut considérer un test comme un bon outil de dépistage. Cela signifie que l’on peut croire cette imagerie à 95 % lorsqu’elle ne détecte aucun cancer significatif. Les 5 % restants sont des cancers à la limite de la détectabilité. Plusieurs séries récentes ont aussi démontré l’intérêt de l’IRM multiparamétrique pour visualiser des lésions tumorales, sa faisabilité et sa bonne spécificité comparé aux biopsies systématiques, la positionnant comme un outil de choix en prébiopsies.
Si l'IRM s'impose comme imagerie de dépistage, nous diminuerons enfin le surdiganostic, son coût et l'anxiété générée.Pr Arnauld Villiers
Pourtant, l’IRM comme outil de tri pré-biopsie ne figure toujours?pas dans les recommandations. Du fait de ses avantages, dont un coût bien inférieur à une biopsie échographique, elle est néanmoins utilisée de plus en plus par les urologues qui intercalent, depuis quelques années à peine, un temps d’imagerie par IRM entre la réalisation du taux de PSA et les biopsies randomisées. Mais même en cas de négativité, la règle des biopsies systématiques s’applique encore.
Pour tourner la page, il faudra disposer d’études prospectives randomisées. Uniquement en cas d’IRM anormale, on procéderait alors à des biopsies, dirigées elles aussi par l’IRM. Deux études multicentriques, française et internationale, « MRI First » et « Précision », sont prêtes à débuter, dès qu’elles seront financées. « Si l’IRM s’impose comme imagerie de dépistage, explique le Pr Arnauld Villers (service d’urologie, CHU de Lille), nous diminuerons enfin le surdiagnostic, son coût et l’anxiété générée, d’autant qu’il est certain que le surdiagnostic fait le lit d’un surtraitement potentiel. »
Un outil validé pour la surveillance active
En attendant, les biopsies prostatiques systématiques resteront la règle pour quelques années encore, du moins chez les hommes qui n’ont encore jamais été biopsiés.
En revanche, « en cas de taux de PSA fluctuants, souligne Arnauld Villers, chez ceux qui ont déjà été biopsiés, sans détection de tumeurs mais avec suspicion de cancer, et lorsqu’une seconde IRM est à nouveau non suspecte, on conseille de ne pas re-biopsier. La surveillance de ces patients avec micro-foyers (dits “surdiagnostiqués”) figure désormais dans les référentiels et est une modalité obligatoirement proposée lors de nos réunions de concertation pluridisciplinaires ». C’est une mini-révolution des mentalités et beaucoup d’urologues sont encore inquiets pour leurs patients s’ils n’ont pas l’expertise d’IRM de qualité autour d’eux.
Une aide pour mieux cibler les biopsies
[[asset:image:3761 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]L’autre utilité potentielle de l’IRM de la prostate serait d’orienter la réalisation des biopsies. Déjà, des données préliminaires présentées à l’AFU 2014 suggèrent que cela augmenterait la détection du cancer, tout en réduisant le nombre de prélèvements nécessaires. Cela passe par une fusion d’image qui peut être mentale (« biopsie à guidage visuel ») lorsque le chirurgien transpose l’IRM avec son esprit sur l’image d’échographie en se fiant aux repères anatomiques.
Mais il existe aussi désormais des appareils (Urostation® de Kéolis par exemple) qui couplent l’imagerie par IRM et l’échographie 3D pour que les prélèvements biopsiques (réalisés sous échographie) soient le plus précis possibles dans leur localisation. Les publications se multiplient sur ce couplage IRM-échographie et l’avantage des biopsies ciblées ainsi obtenues. L’une d’entre elles montre que la biopsie transrectale échoguidée fusionnée à l’IRM (ici par le système de navigation Urostation®) augmente le taux de détection des tumeurs de 59 % . Dans un essai rétrospectif sur 179 patients, les biopsies dirigées (fusion IRM ETR 3D, Urostation®) permettaient une détection de cancer significatif plus importante que les biopsies systématiques (58 % contre 36 %), triplant par conséquent la capacité des biopsies à détecter des cancers significatifs.
Reste la question de l’accès à l’IRM alors qu’une étude récente vient une nouvelle fois de dénoncer les délais d’attente pour cet examen…