Tumeurs de la voie excrétrice urinaire supérieure

Quand discuter un traitement conservateur ?

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Publié le 15/05/2017
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urétérorénoscopie souple

urétérorénoscopie souple
Crédit photo : GARO/PHANIE

On estime que 5 % des carcinomes urothéliaux sont des tumeurs de la voie excrétrice urinaire supérieure (TVES). Les TVES sont de localisation pyélocalicielle dans plus de la moitié des cas et sont diagnostiquées à un stade invasif dans plus de 60 % des cas.

Le traitement chirurgical de référence est la néphro-urétérectomie totale (NUT) qui consiste à sacrifier le rein. Toutefois un traitement conservateur peut être discuté dans les lésions à faible risque évolutif.

Tumeurs à bas risque ou à haut risque

« Les progrès techniques, notamment le recours aux urétéroscopes souples de dernière génération, permettent aujourd'hui de mieux stratifier les patients et de proposer un traitement conservateur, préservant l'unité rénale fonctionnelle en cas de tumeur de faible risque », expose le Pr Morgan Rouprêt.

La mise à jour des recommandations du Comité de cancérologie de l'Association française d'urologie (CCAFU) [1] a souligné l'importance de bien différencier les tumeurs à bas risque de celles à haut risque afin de ne pas sous traiter un patient nécessitant un traitement radical et inversement.

Sont considérées à bas risque les tumeurs de faible grade histologique sur les biopsies en urétérorénoscopie souple, unifocales et d'aspect non infiltrant en imagerie. La question de la taille de la tumeur (une limite de 1 cm était jusqu'alors retenue) peut être modulée au cas par cas pour les localisations pyéliques et le caractère potentiellement complet du traitement conservateur.

20 % des patients éligibles à un traitement conservateur

À côté de ces caractéristiques tumorales, un traitement conservateur ne doit être envisagé que lorsque le principe d'un protocole de surveillance endoscopique et en imagerie rapproché est accepté par le patient. « Si tous ces paramètres sont réunis, le dossier doit être discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) pour un éventuel traitement conservateur, poursuit le Pr Rouprêt. Le traitement radical par NUT demeure le traitement de référence dans environ 80 % des cas et 20 % des patients pourraient être éligibles à un traitement conservateur, soit le double de ce qui est actuellement rapporté ». Plusieurs options de traitement conservateur sont possibles : vaporisation laser en urétérorénoscopie souple ou urétérectomie segmentaire (US), dont les résultats sont comparables à ceux de la NUT en cas de tumeur de risque faible. Quelle que soit la technique choisie, le risque de récidive dans la voie excrétrice et à distance doit être documenté.

L'instillation d'agents topiques adjuvants dans la voie excrétrice, à l'instar de ce qui se fait dans le cancer de la vessie (BCG ou chimiothérapie), permet de réduire le risque de récidive, mais elle se heurte à des contraintes techniques.

Pour le traitement par NUT, les recommandations détaillent les précautions carcinologiques qui doivent être prises en cas d'abord laparoscopique/robotique, en plein essor et dont les résultats sont équivalents à ceux de la voie ouverte pour une morbidité moindre. Les données sur la chirurgie laparoscopique robot-assistée sont en revanche insuffisantes pour valider la technique.

Une instillation adjuvante intravésicale de chimiothérapie réalisée 2 à 3 semaines après l'intervention est conseillée, car elle permet de réduire le risque de récidive vésicale, qui est sinon de l'ordre de 40 %.

Évoquer une forme familiale chez les patients jeunes

Autre point important mis en avant dans les recommandations du CCAFU : les formes familiales de TVES entrant dans le cadre d'un syndrome HNPCC (Hereditary non polyposis colorectal cancer) ou syndrome de Lynch. Ce syndrome, lié à une mutation des gènes de réparation de l'ADN, est à l'origine de cancers colorectaux (CCR), tumeur la plus fréquente, mais aussi de l'endomètre et de TVES qui en sont la troisième localisation. « Il faut y penser lorsqu'une TVES est diagnostiquée chez un patient plus jeune qu'à l'accoutumée c’est-à-dire 55 ans contre 65-70 ans, souligne le Pr Morgan Rouprêt. Il faut alors faire un interrogatoire médical très ciblé à la recherche notamment d'antécédents personnels ou familiaux de tumeur du spectre de Lynch et adresser le cas échéant le patient à un gastro-entérologue pour une coloscopie et à un gynécologue s'il s'agit d'une femme ».

D'après un entretien avec le Pr Morgan Rouprêt, groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière, Paris.
(1) Rouprêt M et al. Recommandations en onco-urologie 2016-2018 du CCAFU : Tumeurs de la voie excrétrice supérieure.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste