Lorsqu’en 2006, deux études rétrospectives observationnelles (1) et une réanalyse d’EuCliD (2) ont montré un bénéfice de l’Hémodiafiltration (HDF) par rapport à l’Hémodialyse conventionnelle (HDC) sur la survie des patients, c’était un grand pas en avant. Manquait une preuve formelle…
CONTRAST (3), TURKISH (4) et ESHOL (5) ont été menées sur de grands effectifs avec un suivi moyen de plus de 3 ans. L’HDF était comparée à l’HDC haute perméabilité dans TURKISH et ESHOL, et à l’HDC basse perméabilité dans CONTRAST.
CONTRAST et TURKISH n’ont pas trouvé de bénéfice global sur la mortalité mais des analyses post-hoc ont montré un effet volume dépendant. Ainsi, l’HDF réduit significativement la mortalité de 46 % dans la sous-population de TURKISH ayant des volumes supérieurs à 17,4 l. CONTRAST n’a pas fait apparaître de différence d’impact supérieure sur la mortalité. Le volume convectif global du bras qui recevait l’HDF était globalement insuffisant pour dégager un bénéfice.
ESHOL, 900 patients inclus, avait des volumes de ré-infusion globalement plus élevés que les deux autres études. Elle met en évidence un gain significatif de 30 % sur la survie dans l’ensemble des effectifs, variable selon le volume convectif : 10 % (si ce volume est inférieur à 23,1 l/séance), 40 % (s’il est compris entre 23,1 et 25,4 l/séance), 45 % (au-delà de 25,4 l/séance). La mortalité cardiovasculaire et infectieuse diminue respectivement de 60 et de 55 % sous HDF.
Un effet sur la réduction de mortalité volume dépendant
« L’effet de l’HDF sur la morbimortalité est lié au volume d’infusion. Seuls les volumes d’infusion élevés apportent un bénéfice significatif. Il semble donc inutile de poursuivre l’HDF si les volumes d’infusion sont de moins de 20 l. Ce volume dépend de la membrane, mais aussi du débit de fistule. Un bon débit de fistule, donc un bon débit cardiaque sélectionnerait-il les patients les mieux disposés à atteindre ces hauts volumes convectifs ? C’est possible, mais ce biais semble minime : les coefficients d’ultrafiltration très élevés, supérieurs à 40 ml/mmHg/h, des membranes haute perméabilité actuelles rendent ces volumes d’infusions accessibles à de très nombreux patients » explique le Dr Lucile Mercadal.
L’analyse par comorbidité ne montre pas d’influence sur le gain de survie. « Le bénéfice est moins net chez les jeunes mais plus difficile à mettre en évidence : la mortalité est moindre, ils sont greffés plus vite et sortent de l’essai… Conclure que l’HDF n’a pas d’intérêt chez les jeunes serait abusif ! » poursuit-elle.
Tous les dialysés devraient-ils avoir accès à l’HDF à haut débit ? Si leur débit de fistule le permet, oui : l’HDF apporte plus de confort et de sécurité avec une réduction de 54 % des hypotensions perdialytiques en HDF dans ESHOL, augmente l’espérance de vie sauf si les comorbidités associées laissent présager une espérance de vie très courte. En 2011 le registre Rein fait état d’un accès à l’HDF en France chez 17 % des patients (0 à 42 % selon les régions). Peu à peu les centres s’équipent et maîtrisent la technique et les impératifs de qualité de l’eau.
D’après un entretien avec le Dr Lucile Mercadal, groupe hospitalier Pitié-Salpétrière, Paris
(1) Canaud B. et al. Kidney Int 2006;69(11):2087-93
(2) Jirka T. et al. Kidney Int 2006;70(8):1524-5
(3) Grooteman MPC. et al. J. Am. Soc. Nephrol., 2012;23(6):1087-96
(4) Ok E. et al. Nephrol. Dial. Transplant. 2013;28(1):192-202
(5)Maduell F. et al., J. Am. Soc. Nephrol. 2013; 24(3):487-97
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