Cinq ans après le début du projet, le Pr Gabriel Rahmi, hépatogastroentérologue à la clinique Bizet, effectuera sa 10e mission à Dakar, l'occasion de voir l'aboutissement de plusieurs missions portées à bout de bras. « Je ne voulais plus faire de workshops à droite et à gauche, puis repartir et voir ce que nous avions mis en place s’arrêter dès notre départ », explique le Pr Gabriel Rahmi qui s’est fixé pour objectif d’implanter au Sénégal l’endoscopie de manière pérenne à travers le programme SENENDO.
En 2019, il soumet l’idée au Pr Alain Deloche, chirurgien cardiaque, cofondateur de Médecins sans Frontières et de Médecins du Monde, et alors président de La Chaîne de l’Espoir, de construire un pôle de formation et de soin qui rende les équipes de Dakar autonomes dans le domaine de l’endoscopie digestive. Le Pr Rahmi en collaboration avec l’ONG La chaîne de l’espoir se lance alors dans le projet ambitieux de développer un centre d’endoscopie à Dakar et créer une école qui rende les équipes locales autonomes dans le traitement des troubles gastro-entérologiques.
L’idée est immédiatement saluée par le Pr Deloche. « La première fois que je lui en ai parlé, il m’a dit : “C’est le bon moment, le bon endroit” », se souvient le Pr Rahmi. L’idée en elle-même paraît loin d’être superflue pour ce pays d’environ 19 millions d’habitants, où l’incidence et la prévalence des pathologies digestives sont importantes. Durant les missions, les équipes observent beaucoup de cas d’enfants qui ingèrent des substances caustiques qui entraînent des sténoses caustiques. Chez les adultes, plusieurs patients sont atteints de cancer du pancréas qui nécessite un drainage par voie endoscopique.
Un vrai challenge
Mais la création de ce centre représente un véritable défi à tous les niveaux. Le premier challenge réside dans la nécessité de présenter un projet fédérateur. Le second, une fois le lieu trouvé à l’Hôpital principal de Dakar, est de disposer d’équipements adaptés. Et, bien sûr, le challenge majeur in fine se situe dans « le service après-vente ». « Comme il s’agit de haute technologie, il faut savoir réparer, souligne le Pr Rahmi avec pragmatisme. En Afrique, les moyens manquent et beaucoup de choses sont repoussées au lendemain. C’est pourquoi il a fallu former les équipes locales aux machines, à leur utilisation et maintenance. »

Ce pôle d’excellence a été mis en place au sein de l’Hôpital principal de Dakar, dédié au traitement des troubles gastro-entérologiques et à la formation. Le professeur et son équipe ont donc introduit la CPRE (cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique), une technique pratiquée quotidiennement en France, mais jusqu’alors très limitée au Sénégal où l’endoscopie thérapeutique était quasi inexistante. « Il faut savoir que la CPRE, un geste courant en France, n’était pas pratiquée au Sénégal. Désormais, elle est réalisée sur place par les équipes sénégalaises », se félicite le praticien.
L’installation n’a pas été simple. Cinq ans ont été nécessaires pour que le projet trouve sa stabilité. Les difficultés ont été nombreuses — logistiques, matérielles, administratives, mais aussi humaines. Durant les deux premières années, le professeur Rahmi s’est rendu à Dakar tous les trois mois puis, une fois l’équipe locale formée, a espacé ses missions à un intervalle de six mois.
Des résultats probants
Aujourd’hui, grâce à l’endoscopie, le centre fonctionne en autonomie complète et 250 patients ont déjà été pris en charge depuis sa création. Le Pr Rahmi voit désormais l’autonomie du centre d’endoscopie de Dakar comme la plus belle des récompenses. Également président de la Commission francophonie de la Société française d’endoscopie digestive (SFED), il souhaite désormais développer d’autres centres et projette « de fédérer tous ces projets endoscopiques dans le monde de la francophonie ».
Le médecin avoue recevoir de chaque mission une leçon de vie : « Il existe une manière de vivre africaine, très solidaire, qui force le respect. Malgré les moyens limités, il y a une chaleur, une entraide, une énergie que nous devrions tous expérimenter. »
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