Alors que le chikungunya, transmis par le moustique tigre, circule fortement à La Réunion, Mayotte connaît depuis fin avril une forte accélération des contaminations, selon Santé publique France (SPF) qui a publié deux bulletins de surveillance. Mayotte a déclenché la phase 2B du plan Orsec « pour freiner cette dynamique et mieux se préparer à une éventuelle phase épidémique », annonce l’agence.
À La Réunion, l’activité clinique et hospitalière dédiée aux infections par le chikungunya diminue depuis quinze jours. En médecine de ville, la part de cette activité au sein du réseau de médecins sentinelle est passée de 20 % de l’activité totale en S17 à 10 % en S19. Aux urgences, le nombre de passages hebdomadaires pour chikungunya (5 % de l’ensemble des passages) a diminué de 37 % entre S18 et S19. Les hospitalisations après consultation aux urgences suivent la même tendance, diminuant de 80 admissions en S16 à 32 en S19.
Dans son rapport, SPF appelle à interpréter ces données « avec prudence » puisque les S18 et 19 s’inscrivent dans un contexte de jours fériés (1er et 8 mai) qui peuvent « modifier les habitudes de consultation en médecine de ville des patients comme des soignants ».
À Mayotte, la circulation du chikungunya s’intensifie
Après le passage du cyclone à Mayotte, « la présence de déchets en grande quantité dans l’environnement, le défaut d’assainissement, ainsi que le stockage d’eau lié aux coupures récurrentes, notamment dans des récipients non fermés, constituent autant de facteurs favorisant la prolifération du vecteur et l’exposition de la population aux piqûres de moustiques », lit-on dans le rapport de SPF. S’ajoutent à cela le faible recours aux soins et l’utilisation limitée du diagnostic biologique qui entravent les actions de lutte antivectorielle de l’ARS dans les zones à risques.
Au total, 176 cas de chikungunya ont été biologiquement confirmés entre la S10 et la S19 dont au moins 101 autochtones. La hausse des contaminations, surtout autochtones, s’est intensifiée depuis la S15, « faisant peser un risque réel d’évolution vers une situation épidémique ». Ainsi l’ARS Mayotte a décidé d’élever le dispositif Orsec « arbovirose » au niveau 2B.
Du côté de la dengue, aussi en circulation sur l’île, elle reste faible (10 cas depuis le début de l’année) mais les indicateurs de surveillance suggèrent une dynamique similaire à celle du chikungunya avec une nette augmentation des syndromes « dengue like » confirmés entre la S18 et la S19.
Une forte pression d’importation en métropole
L’agence gouvernementale s’inquiète par ailleurs de la pression d’importation en France métropolitaine qui reste forte, et ce pour plusieurs semaines encore. En effet, depuis le début de l’année de nombreux cas de personnes qui se sont contaminées à La Réunion ont été diagnostiquées à leur retour dans l’Hexagone et « l’arrivée d’une météo propice à l’activité du moustique vecteur » induit ainsi une « période à risque de transmission locale ».
Par ailleurs, SPF a publié un bilan 2024 des arboviroses en métropole. Ce ne sont pas moins de 4 683 cas importés de dengue, 34 cas importés de chikungunya, huit cas importés de Zika et une coïnfection dengue-chikungunya qui ont été signalés. SPF fait état ainsi pour2024 d’une « année record », recensant « le nombre le plus important de foyers et de cas autochtones identifiés depuis la mise en place de la surveillance renforcée en 2006 ». Les pics de contaminations ont suivi les tendances des épidémies de 2024 en Guadeloupe et en Martinique, régions qui comptaient pour 70 % des cas importés.
Contrairement aux années précédentes, ce sont les professionnels de santé, via la déclaration obligatoire qui ont identifié la majorité des cas (58 %) plutôt que les laboratoires partenaires de la surveillance des arboviroses. Alors que le dispositif de surveillance et de contrôle « est régulièrement mis en tension », l’agence de santé fait une priorité d’intégrer les nouveaux laboratoires réalisant les tests diagnostiques.
Un seul décès lié au vaccin Ixchiq, a réévalué l’ANSM
Dans le cadre de la campagne de vaccination contre le chikungunya entamée fin avril en France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié le 15 mai un point de situation de pharmacovigilance pour le vaccin Ixchiq. L’agence sanitaire rapporte au 13 mai 40 cas d’effets indésirables sur l’ensemble du territoire dont 16 évènements graves, aux symptômes similaires à une forme grave de l’infection, un syndrome nommé « chikungunya like ». L’analyse de ces 16 cas, dont 81 % recensés à La Réunion, a montré qu’ils survenaient chez les personnes de 76 ans en moyenne. Trois personnes de plus de 65 ans avec comorbidités sont décédées mais seul l’un des décès aurait, d’après l’ANSM, « un lien avec le vaccin Ixchiq très vraisemblable compte tenu de la chronologie et de la typologie des symptômes du patient et des résultats des examens biologiques recueillis ».
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