Les addictologues réunis au congrès de l’Albatros étaient plutôt remontés contre l’amendement annoncé de la loi Evin. En quoi celui-ci vous paraît dangereux sur le plan médical ?
Pr Michel Reynaud La publicité aide à vendre, sinon personne ne se battrait pour ça et il n’y aurait pas de publicité ! Dans le domaine spécifique de l’alcool, quelques études documentent bien l’impact du marketing sur les consommations, dont une publiée récemment dans le BMJ. Mené auprès de 6?500 adolescents de 10 à 12 ans, ce travail montre que le fait de voir des films où l’on consomme de l’alcool multiplie par 2 la probabilité d’initiation à la consommation et par 1,5 la progression vers une consommation excessive. Plus globalement, on considère qu’un investissement supplémentaire de 1% dans les messages publicitaires augmente la quantité d’alcool consommée de 0,15%. Il y a donc un lien très clair entre la publicité et consommation.
Ce n’est pas la première fois que le législateur vient détricoter la loi Evin…
Pr M. R. La loi Evin a été détruite petit à petit dès le début et tous les ans les alcooliers essaient de faire passer deux ou trois amendements en leur faveur. Il y a eu l’amendement buvette il y a dix ans et, plus récemment, la loi Bachelot qui a autorisé la publicité sur le net. On a vu, depuis, exploser les publicités notamment sur les sites de sport, de musique, etc. et même sur des sites dédiés spécifiquement aux adolescents alors que la loi l’interdit. En parallèle, on a vu augmenter depuis 5 ans le binge drinking et l’alcoolisme des jeunes femmes. Pour nous, les comportements croissants d’alcoolisation des jeunes que l’on déplore chaque année et l’augmentation régulière des quantités consommées sont essentiellement liés à des stratégies marketing .
Êtes-vous particulièrement inquiets pour les jeunes ?
Pr M. R. Oui, car ce sont eux les plus vulnérables. De nombreuses études montrent que plus on consomme jeune, plus le cerveau, qui est en maturation, est abimé avec des dommages dans les voies de l’autonomie et de la prise de décision. Avec, à la clé, une entrée plus rapide dans la dépendance. On a maintenant des sujets dépendants entre 20 et 25 ans, ce qu’on n’avait pas avant. Au congrès de l’Albatros, Emmanuel Kuntsche nous a, par ailleurs, livré, en avant-première, les résultats d’une étude qui montre que chez les enfants de 3 à 6 ans, il y a déjà une bonne connaissance des boissons alcoolisées avec des opinions positives, ce qui n’est pas le cas pour le tabac. Cela confirme que la perception de l’alcool est globalement et massivement positive alors que l’alcool est le psychotrope le plus dangereux sur le plan sanitaire et social.
Quels ont étés les autres moments forts du congrès de l’Albatros?
Pr M. R. Lors d’une session plénière, Raphaël Mechoulam, le « pape des cannabinoïdes » a rappelé les différents effets de ces substances, en abordant notamment les utilisations thérapeutiques possibles. Plusieurs communications ont aussi porté sur les déterminants génétiques et neurobiologiques des addictions. De façon paradoxale, les progrès réalisés dans ces domaines renforcent la dimension psychosociale des addictions, montrant comment l’histoire de chaque sujet vient aggraver ou même créer des vulnérabilités aux addictions. On s’aperçoit, en effet,que la génétique est liée à l’épigénétique avec l’intervention de facteurs extérieurs (comme le stress notamment) qui permettent à des gênes de vulnérabilité de s’exprimer. Au niveau neurobiologique, les voies du stress et les voies corticotropes jouent aussi un rôle majeur en renforçant les circuits dopaminergiques de l’addiction via l’activation des voies glutamatergiques.
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