Pourquoi le cancer pancréatique flambe
Du jamais-vu ! Selon les chiffres présentés lors du récent congrès français de gastro-entérologie, le nombre d’adénocarcinomes pancréatiques ne cesse de croître au niveau mondial, avec un bond de 248 % depuis les années 80. En France, de 6 000 nouveaux cas par an en 2006, on en dénombre 14 000 aujourd’hui. Et l’incidence devrait encore doubler d’ici à 2030 aux États-Unis comme en Europe. En termes de mortalité, « depuis 2017, il y a plus de décès liés au cancer du pancréas qu’à celui du sein », compare le Dr Marie-Christine Boutron-Ruault, directrice de recherche (centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Inserm, Institut Gustave Roussy). Troisième cause de mortalité par cancer, l’adénocarcinome du pancréas pourrait se hisser à la deuxième place d’ici à 2030-2040, en France comme dans le monde.
Pourquoi une telle flambée ? « Le tabagisme, l’obésité, le diabète et, de façon plus anecdotique, le fait d’avoir une pancréatite chronique et des facteurs génétiques de susceptibilité sont des facteurs reconnus de cancers du pancréas, explique le Pr Vinciane Rebours, du service de pancréatologie-gastro-entérologie (hôpital Beaujon, Clichy). Mais ils ne peuvent à eux seuls expliquer l’explosion de l’incidence de ce cancer. Nous nous orientons donc vers d’autres causes, notamment les modifications radicales du mode de vie dans les années 80, en l’occurrence l’industrialisation de l’alimentation avec des coupables potentiels (additifs, excès de lipides, de glucides). » Ces aliments transformés contribueraient à une surstimulation du tissu endocrine, avec une hypertrophie des îlots créant de l’inflammation autour du tissu exocrine à partir duquel se développe le cancer du pancréas. Des molécules spécifiques comme par exemple le dioxyde de titane, les pesticides (déjà associés à un risque accru de cancers, notamment chez certains groupes d’agriculteurs comme les viticulteurs) ou les métaux lourds (Cadmium) sont aussi considérés avec intérêt par les chercheurs.
De nouvelles données issues de la cohorte E3N (MGEN) ont été présentées au congrès. Le tabagisme actif et passif, le syndrome métabolique, le diabète, l’obésité et l’antécédent familial de cancer ressortent, sans surprise. Plus surprenant, même si cela avait déjà été rapporté dans la littérature sans qu’on en connaisse la raison, « les groupes sanguins A et AB étaient aussi associés à un surrisque (+36 %) comparés au groupe O, commente le Dr Anne-Laure Vedie (hôpital Beaujon, Clichy), qui a travaillé sur cette étude. En revanche, l’exposition hormonale endogène ou exogène, l’activité physique ou le régime méditerranéen (que l’on pense être protecteurs) n’étaient pas associés à un risque diminué de cancer du pancréas, pas plus que le type d’obésité androïde, à la limite de la significativité statistique ».
Les mécanismes d’action et les éventuelles interactions de ces facteurs entre eux sont en cours d’étude (Single Nucleotid Polymorphims situé sur le locus du gène ABO, cadmium retrouvé dans la fumée de cigarette, contaminants de l’alimentation, etc.)
Après la chirurgie, l’endoscopie bariatrique ?
Avec désormais plus de 15 ans de recul, la chirurgie bariatrique a fait ses preuves, avec 30 % de perte de poids pour le court-circuit digestif bypass gastrique et 15 à 40 % de rémission du diabète de type 2. Mais dans la prise en charge de l’obésité comme dans de nombreux domaines, la tendance est aux techniques micro-invasives. Ces dernières années, l’endoscopie thérapeutique se développe et empiète sur des indications exclusivement chirurgicales. La sleeve endoscopique ou gastroplastie (plicature gastrique) ou encore le bypass gastrique endoscopique sont les deux techniques prometteuses qui sortent du lot. La plus avancée est la plicature gastrique, réalisée grâce à un système de sutures endoscopiques pérennes avec un fil non résorbable afin de coudre les parois antérieure et postérieure de l’estomac l’une à l’autre sur les deux tiers de leur hauteur. Elle mime la sleeve gastrectomie en faisant passer l’estomac d’une forme ovale à une forme tubulisée, ce qui réduit de 70 % sa taille, mais sans résection de la grosse tubérosité gastrique comme c’est le cas dans la sleeve chirurgicale. Dans une étude multicentrique, après 24 mois de suivi, les patients obèses ont perdu en moyenne 18,6 % de leur poids total. Moins efficace que la sleeve gastrectomie (perte de poids inférieure de 10 à 20 %), la technique a ses avantages : reproductibilité, réversibilité, récupération plus rapide (crampes gastriques et nausées pendant cinq à dix jours) et des complications immédiates sans comparaison. Celles-ci sont rares (2 %) et peu sévères (hématomes, abcès périgastriques, pneumomédiastin). Avec un recul maximal de deux ans, on a par contre peu de données sur les complications à long terme, notamment nutritionnelles. Des interrogations se posent aussi sur la durabilité des sutures.
Déjà très pratiquée aux USA, quelle pourrait être la place de cette technique en France ? Pour le moment, « nous la réservons aux patients éligibles à la chirurgie bariatrique (IMC>40 kg/m2 ou entre 35-40 kg/m2 avec comorbidités) à haut risque opératoire (antécédents de laparotomie, colostomie), dans le cadre de protocoles de recherche », répond le Dr Julien Branche, gastro-entérologue au centre spécialisé de l’obésité de l’hôpital Claude-Huriez (Lille). Cependant, « les techniques mini-invasives pourraient être idéalement indiquées pour une prise en charge interventionnelle de l’obésité pour des IMC entre 30-35 kg/m2 », estime le chirurgien. Mais pour l’instant, si l’on s’en tient aux recommandations de la HAS, ces patients ne relèvent pas d’une intervention bariatrique.
Quant au bypass gastrique endoscopique, en phase expérimentale, les premiers résultats sont encourageants. En pratique, l’anastomose gastro-jéjunale est réalisée soit au moyen d’un double aimant, soit d’une prothèse d’apposition tissulaire, placés par une double endoscopie (haute et basse). Aux USA, une étude pilote chez l’homme avec le double aimant a obtenu une perte d’excès de poids de 40 % et de 15 % du poids total. « En France, les tests avec la prothèse d’apposition tissulaire conduits chez le cochon ont montré une diminution de l’insulinémie et de la glycémie avec une augmentation de la ghréline, ainsi qu’une perte de poids de 18 % », explique le Dr Jean-Michel Gonzalez (hôpital Nord de Marseille) qui dirige ces recherches. Le passage à l’homme est prévu pour 2021.
En bref...
700 millions pour les traitements symptomatiques
90 % des prescriptions de médicaments utilisés pour des symptômes gastro-intestinaux émanent des généralistes, selon une étude présentée lors du congrès. Ces traitements symptomatiques sont utilisés par 45 % des individus en France pour un coût de 700 millions d’euros et dominés par les prescriptions d’IPP.
Peste ou maladie de Crohn, il faut choisir
À l’époque des grandes épidémies de peste, une mutation du gène NOD2, retrouvée chez 30 à 50 % des patients atteints de maladie de Crohn, aurait permis aux personnes en étant porteuses de mieux résister à la peste. Revers de la médaille, face à des bactéries peu pathogènes, elle entraînerait une réponse inflammatoire intestinale anormalement élevée.
Melaxose et Movicol font jeu égal
La première étude clinique comparant le Melaxose (lactulose, paraffine et vaseline) au Movicol (polyéthylène-glycol) conclut à un soulagement identique des symptômes liés à la constipation.
L’hépatite E première cause d’hépatite virale aiguë
Ces dernières années, l’augmentation du nombre de cas d’hépatite E a été exponentielle, passant de 9 par an en 2002 à 2 302 en 2016 (dont 99 % de cas autochtones). Ces derniers chiffres parus fin 2018 font état d’une prévalence jusqu’alors insoupçonnée et confirment l’hépatite E comme première cause d’hépatite aiguë virale dans l’Hexagone. « L’hépatite E est de plus en plus souvent diagnostiquée, résume le Pr Jean-Marie Péron, service d’hépatologie (hôpital Purpan, Toulouse). C’est en grande partie lié à une meilleure connaissance du virus et à une amélioration de sa détection avec l’emploi d’un test sérologique fiable. L’hépatite E est également responsable d’un nombre croissant d’hospitalisations. Devant une hépatite aiguë, il faut donc y penser en première intention. »
Le taux de séroprévalence en France, de l’ordre de 22 %, fait partie des plus importants dans le monde, avec des pics dans le Sud-Est, le Sud-Ouest et la Corse (prévalence de 40 à 70 % chez les donneurs de sang, montant jusqu’à 86 % en Ariège par exemple). Des chiffres proches de ceux observés dans les zones hyper-endémiques que sont le Népal ou le Tibet. Cela signifie que beaucoup de Français sont en contact avec le virus (génotype 3 majoritaire), sans nécessairement développer une hépatite et qu’il existe donc un nombre considérable de formes asymptomatiques.
Néanmoins, l’infection est préoccupante, de par la sévérité des formes symptomatiques (5 % des cas). Celles-ci se rencontrent plutôt chez les hommes de plus de 50 ans et se manifestent par un ictère dans 40 % des cas. La mortalité est alors de l’ordre de 3 %. Un sujet récemment exploré ces dernières années est la possibilité de formes neurologiques associées, dans 20 % des cas. « Pour cette raison, il faut penser à une hépatite E lorsque certains signes sont présents comme une mono ou polyneuropathie, une méningo-encéphalite, un syndrome de Guillain-Barré ou de Parsonage-Turner (apparition soudaine d'une douleur extrême dans les membres supérieurs suivie d'une faiblesse motrice multifocale rapide et d'une atrophie), précise le Pr Péron. Une manifestation neurologique aiguë associée à une cytolyse doit faire penser à une infection au VHE ». Le traitement repose sur la ribavirine mais n’est pas systématique. Il n’existe pas de forme chronique chez les patients immunocompétents.
Hépatite C, le généraliste « champion » du dépistage
En France, le médecin généraliste est le premier acteur dans le dépistage et l’adressage des patients pour une hépatite C, selon l’observatoire KIDEPIST de l’Association nationale des hépato-gastro-entérologues des Hôpitaux généraux de France. Il dépiste plus de 40 % des personnes contaminées dans sa patientèle « tout venant » de médecine de ville (contre seulement 25 % pour les spécialistes et 13 % pour les CSAPA et CAARUD).
Un constat qui conforte la stratégie de « dépistage pour tous » promue depuis quelques années par les hépatologues. Globalement, le patient VHC qui reste à dépister est le plus souvent un homme (63 %), d’âge moyen de 54 ans, en situation de précarité (43 % des cas). La moitié souffre d’au moins une comorbidité. Un tiers a une fibrose sévère F3-F4.
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