Quels sont selon vous les comportements à corriger prioritairement pour éviter les erreurs médicamenteuses ?
Dr Jean Brami. Il faut développer la culture de sécurité pour permettre aux professionnels de reconnaitre leurs erreurs, d’en parler à leurs pairs dans un objectif pédagogique et de mutualisation, de les analyser et de mettre en place des mesures de correction. L’erreur est trop souvent assimilée à la faute, alors qu’elle est humaine... et inévitable. Elle est liée le plus souvent à un problème systémique. Quand une erreur est constatée au sein d’un établissement, les seules mesures correctives adoptées sont souvent la sanction de son auteur, qui se trouve en bout de chaîne. C’est dommage : on perd définitivement la possibilité de savoir comment cette erreur s’est produite et faire en sorte qu’elle ne se reproduise pas.
Quant au généraliste, il travaille de manière solitaire et personne ne peut repérer une éventuelle erreur à sa place. D’où l’importance du travail en équipe, grand enjeu des prochaines années.
Il faudrait aussi réussir à s’affranchir du niveau hiérarchique médical. Il est par exemple difficile pour le généraliste de contester une ordonnance rédigée par un chef de service ou un spécialiste d’organe. Il faut aussi accepter les remarques du pharmacien à propos d’une ordonnance non conforme. Ce professionnel est en effet un maillon majeur dans la prévention des risques.
A-t-on identifié des techniques de prévention ?
Dr J. B. Oui, plusieurs. Par exemple, la prescription en DCI qui permet d’éviter la confusion entre deux médicaments aux noms commerciaux proches. L’impression d’une ordonnance informatisée plus lisible et moins à risque, bien qu’une erreur de clic soit toujours possible, d’où l’importance de relire sa prescription avec le patient. Par ailleurs, la vigilance doit être d’autant plus soutenue que l’on prescrit des molécules dangereuses, comme les anticoagulants ou les insulines. Il faut aussi se méfier des moments de déconcentration comme répondre au téléphone lors des consultations ou déranger une infirmière qui prépare un traitement. D’ailleurs, dans certains services, l’infirmière qui prépare une perfusion doit enfiler un gilet jaune pour avertir ses collègues quelle ne doit pas être dérangée.
La fonction de coordination du médecin traitant est-elle au final une sécurité ?
Dr J. B. Dans la mesure où le médecin généraliste a une bonne connaissance du patient et de ses pathologies et qu’il agrège les prescriptions des autres spécialistes, la notion de médecin traitant devient gage de sécurité. Mais bon nombre de spécialistes d’organes ont tendance à prescrire pour la pathologie qu’ils traitent et ne tiennent pas assez compte de possibles interactions médicamenteuses. Du coup, le généraliste se retrouve dans la position délicate de celui qui doit rectifier le tir, parfois avec des médicaments nouveaux, mal connus de lui, souvent puissants ou avec des doses ou des indications hors AMM.
* Médecin généraliste, membre du groupe de travail sur les évènements indésirables graves de la HAS. Co-auteur de « La sécurité du patient en médecine générale », 2009.
Article précédent
Logiciels d’aide à la prescription : trop d’alertes tuent l’alerte
Article suivant
Erreurs médicamenteuses : les cinq mesures de prévention
Logiciels d’aide à la prescription : trop d’alertes tuent l’alerte
Dr Jean Brami* : « Il faut développer la culture de sécurité »
Erreurs médicamenteuses : les cinq mesures de prévention
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation