Neutropénie sous clozapine : des experts abaissent le seuil pour interrompre le traitement

Par
Publié le 09/07/2025
Article réservé aux abonnés

Dans la prise en charge de la schizophrénie, des experts internationaux redéfinissent à la baisse la limite du nombre de neutrophiles pour l’arrêt de la clozapine et allègent le suivi, inutilement lourd.

Crédit photo : National Institutes of Health

La Société internationale de recherche sur la schizophrénie (ISPS) préconise d’abaisser le seuil du nombre de neutrophile compté par volume (ANC) à 1 × 109cellules par litre (1 G/L, soit 1000/mm3) pour arrêter la clozapine. Les auteurs émettent aussi des recommandations sur les protocoles de suivi de la neutropénie et d'autres effets indésirables en fonction du temps depuis le début du traitement.

La clozapine entraîne de nombreux effets indésirables, dont la neutropénie (<1,5G/L) et l’agranulocytose (<0,5G/L soit <500/mm3), particulièrement grave. Le pic d’incidence est de 0,9 % dans le premier mois suivant l’initiation du traitement, mais le risque de neutropénie réduit au fil du temps.

Il n’existe pas de consensus international pour fixer le seuil d’interruption de la clozapine chez les personnes schizophrènes. Dans plusieurs pays, dont la France, dès 2 G/L, le suivi de l’ANC doit être bihebdomadaire et, en deçà d’un ANC de 1,5 G/L, le traitement est interrompu. D’un autre côté, en 2015, un programme d’évaluation des stratégies de réduction des risques américain avait défini un seuil à 1 G/L.

Espacer la fréquence des comptages de neutrophiles

L’ISPS a mené une étude Delphi pour aboutir à des recommandations unifiées, une méthodologie consistant à sonder des experts du sujet, ici près d’une centaine, à l’aide de plusieurs cycles de questions, affinées jusqu’à aboutir à un consensus. Les résultats sont publiés dans le Lancet Psychiatry. Le but de ces recommandations est d’alléger la charge du traitement qui pèse sur les patients, améliorer l’observance et optimiser le pronostic clinique.

Ainsi, un consensus fort a été atteint (78 % des experts interrogés) en faveur d’une réduction du seuil à 1 G/L pour l’arrêt de la clozapine. Ce seuil est même abaissé à 0,5 G/L pour les patients avec une neutropénie ethnique bénigne et qui sont DARC ou ACKR1 négatifs (système de groupe sanguin Duffy), selon l’avis de 83 % des experts consultés. Ces recommandations s’alignent avec les standards utilisés pour d’autres affections hématologiques.

L’ISPS a aussi abouti à un consensus pour réduire la fréquence de réalisation de la numération formule sanguine (NFS) qu’ils proposent hebdomadaire jusqu’à 18 semaines, puis mensuelle. Après deux ans, 85 % des experts étaient pour un arrêt total du suivi de la formule leucocytaire de routine : puisque la neutropénie sévère se déclare rapidement, ils n’estiment pas bénéfique de faire un contrôle annuel, alors que le risque diminue significativement au cours du temps. Néanmoins, 83 % d’entre eux ont appelé à effectuer un bilan sanguin complet chaque année pour le diagnostic de cancers hématologiques.

Ces recommandations rejoignent celles de la Task Force clozapine européenne, publiées en janvier 2025 dans European Psychiatry, sur la définition des seuils d’interruption de traitement. À la différence près que la Task force européenne assouplit davantage le suivi : la NFS est recommandée tous les trois mois durant la deuxième année. Elle ne recommande par ailleurs qu’une NFS annuelle à long terme plutôt qu’un bilan biologique complet.

Après deux ans, un suivi trimestriel des autres effets indésirables

Pour les autres effets secondaires de la clozapine, 91 % des experts sollicités conseillent de suivre : prise de poids, syndrome métabolique, transit lent, reflux gastro-œsophagien, sialorrhée, sédation, énurésie, vertiges, hypotension orthostatique, tachycardie, apnée du sommeil, symptômes obsessifs compulsifs, myoclonies et pneumonies. Ils publient une check-list détaillée des effets indésirables avec les interventions à mettre en œuvre, médicamenteuses ou non.

Ce suivi peut initialement être réalisé lors du contrôle NFS et, après deux ans, les experts recommandent de l’espacer tous les trois mois. À la même fréquence, ils préconisent d’effectuer les mesures biométriques pour le diagnostic de la prise de poids et du syndrome métabolique. Les dosages sanguins d’HbA1c, glycémie à jeun, triglycérides et LDL-C devraient quant à eux être entrepris tous les six à 12 mois.

La quasi-totalité des experts (92 %) invite à une prise en charge partagée entre un clinicien en soins primaires et un médecin prescripteur formé à la psychiatrie. Après deux ans de prise de clozapine, le médecin traitant doit être consulté tous les trois mois pour le suivi des effets secondaires et le spécialiste prescripteur tous les six à 12 mois. À l’unanimité, les experts appellent à répéter l’information sur les bénéfices et risques associés à la clozapine auprès des patients et de leurs aidants, à chaque étape clé (initiation du traitement, stabilisation de l’état) et régulièrement au cours du traitement et dès l’émergence d’effets indésirables.


Source : lequotidiendumedecin.fr