Bien que régulièrement pointé du doigt, le niveau global de consommation d’antibiotiques d’un pays ne serait pas si déterminant que cela vis-à-vis de la dynamique globale de l’antibiorésistance. Telle est la conclusion, plutôt surprenante, d’une étude française publiée le 10 juillet dans The Lancet Planetary Health.
Au-delà des seuls facteurs biologiques, ce travail s’est attaché à évaluer le poids de différents paramètres socio-économiques et climatiques intervenant dans la dynamique mondiale de diffusion de l’antibiorésistance. Aujourd’hui, « des équipes de recherche étudient déjà comment l’antibiorésistance émerge au sein d’une bactérie dans une boîte de Pétri ou encore chez un individu… mais il manque une vue d’ensemble au niveau populationnel et mondial afin de pouvoir étudier les liens, en fonction des espèces de bactéries pathogènes, entre la résistance et certains facteurs comme la qualité d’un système de santé national », explique Eve Rahbe, première auteure de l’étude. Or « pour comprendre la dynamique de l’antibiorésistance, il est nécessaire d’étudier toutes les échelles ».
C’est dans cette optique que des scientifiques de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et des universités de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et de Paris-Saclay ont développé un modèle statistique et analysé les données d’antibiorésistance de la base ATLAS collectées depuis 2004 dans plus de 60 pays sur les cinq continents.
Dans un premier temps, les chercheurs ont sélectionné des facteurs pertinents pouvant jouer sur les dynamiques d’antibiorésistance. Au total, 11 paramètres ont été retenus, notamment la qualité du système de soins (indice GHS), la consommation d’antibiotiques et la richesse du pays (indice PIB), ainsi que des données sur les voyages et des variables climatiques. Le modèle statistique a ensuite permis de rechercher des associations potentielles entre les données ATLAS et les facteurs retenus.
La qualité du système de santé déterminante
Cet exercice a mis en évidence la grande diversité des déterminants conduisant à l’antibiorésistance, avec des différences importantes selon les bactéries et les résistances considérées.
Globalement, pour la période 2006-2019, les auteurs notent une augmentation de la résistance aux carbapénèmes chez plusieurs espèces, alors que les tendances restent stables mondialement pour les autres résistances.
« De façon surprenante, la consommation nationale d’antibiotiques n’est pas associée significativement à la résistance chez la majorité des bactéries testées, sauf pour la consommation de quinolones pour les Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa résistantes aux quinolones ou encore la consommation de carbapénèmes chez les Acinetobacter baumannii résistantes aux carbapénèmes », soulignent les chercheurs dans un communiqué.
A contrario la bonne qualité du système de santé d’un pays est associée à de faibles niveaux d’antibiorésistance chez toutes les bactéries à Gram négatif testées. Les températures élevées sont, elles, associées à des forts niveaux d’antibiorésistance mais uniquement chez les Entérobactéries (Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae).
Pour des actions sur mesure
« Nos résultats reflètent la diversité des mécanismes à l'origine de la résistance mondiale aux antibiotiques parmi les agents pathogènes et soulignent la nécessité d'interventions sur mesure pour lutter contre la résistance bactérienne », concluent les auteurs.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce