C’est une nouvelle preuve de l’impact des inégalités socio-économiques sur la santé. En France, les populations les moins aisées sont à la fois les plus souvent et les plus gravement touchées par les accidents vasculaires cérébraux (AVC) ainsi que les moins souvent prises en charge en unité spécialisée. Telle est la conclusion d’un travail de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publié aujourd’hui sur « la survenue des AVC, leur fréquence, la prise en charge et les séquelles selon le niveau de vie des personnes ».
Enquête française sur des données de 2014 à 2017
« De nombreuses études ont alerté, en France comme à l’étranger, sur les inégalités sociales de santé relatives aux AVC », rappelle la Drees. Ainsi l’impact du niveau de vie sur les facteurs de risque – et en particulier sur l’hypertension artérielle, l’obésité, le diabète, le tabagisme et l’alcoolisme – mais aussi sur la prise en charge est-il connu. Du moins théoriquement. Car en France, aucune étude n’a par exemple estimé « le rôle joué par les inégalités sociales sur les difficultés d’accès aux structures spécialisées », déplore la Drees.
Pour combler cette lacune, l’instance a étudié des données non seulement démographiques mais aussi de santé et sur le recours aux soins datées de la période 2014-2017, à la recherche de l’impact des inégalités socio-économiques sur les AVC et leur prise en charge au sein des « différents maillons de la filière neuro-vasculaire ». En fait, l’agence s’est penchée sur la base de données EDP-Santé, « qui croise l’échantillon démographique permanent [représentant 4,4 % de la population française N.D.L.R.] de l’Insee aux données de consommation de soins et d’hospitalisation issues du Système national des données de santé (SNDS) ». Au total, 19 000 cas d’AVC – « représentant 444 000 épisodes en population générale » – ont été analysés.
Les AVC plus fréquents et sévères chez les plus modestes
Résultat : sans surprise, « le risque de survenue d’un AVC est plus élevé parmi les personnes au niveau de vie le plus modeste », affirme la Drees. De fait, entre 2014 et 2017, les AVC apparaissaient 40 % plus fréquents chez les 25 % les plus défavorisés par rapport au quartile le plus favorisé. Une inégalité particulièrement marquée dans la classe d’âge des 45-64 ans, au sein de laquelle « le taux de survenue est presque deux fois supérieur chez les plus modestes par rapport aux plus aisés », précisent les auteurs du présent travail.
De plus, les AVC apparaissent particulièrement graves chez les moins aisés. En effet, dans ces populations, le risque de séquelles s’avère augmenté. « Appartenir aux 25 % des personnes les plus modestes augmente le risque de 22 % de paralysie qui persiste au-delà de 24 heures », déplore la Drees, qui note aussi un accroissement de 11 % du risque de troubles du langage. Dans le même esprit, le risque de décès est inversement proportionnel au niveau de vie. Si bien que les plus aisés présentent « une diminution de 11 % du risque de décès à un an ».
Les AVC moins bien pris en charge chez les moins aisés
« La disparité de prise en charge hospitalière semble expliquer en partie la différence de séquelles entre le quartile le plus aisé et le plus modeste », estime la Drees. Car les moins aisés reçoivent des soins moins adaptés que les autres. En particulier, en cas d’AVC ischémique, dont la prise en charge en unité neurovasculaire (UNV) apparaît très souhaitable compte tenu « des indicateurs de qualité de prise en charge […], meilleurs dans les établissements disposant d’une UNV », les plus modestes ont 10 % moins de chances d’être accueilli dans ce genre de structures que les autres, déjà insuffisamment admis dans ces services. En effet, seuls 52 % des AVC ischémiques sont en général pris en charge en UNV.
Mais l'accès à ces services spécialisés est aussi conditionné par d'autres facteurs - d'ailleurs souvent associés à la précarité, à l'instar du grand âge. « Ces chances [d'être admis en UNV] diminuent avec l’âge, ce constat pouvant être relié à l’offre de soins en lits d’UNV : le nombre de ces lits étant limité, ils seraient réservés en priorité aux patients les plus jeunes », explique la Drees. De même, les femmes sont moins susceptibles que les hommes d’être prises en charge en UNV.
À noter que le niveau de vie ne semble en revanche pas avoir d’impact sur l’accès aux soins de suite et de réadaptation.
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