Pour contrer les résistances au traitement des cancers du sein métastatiques hormonodépendants, l’équipe internationale de l’essai de phase 3 Serena-6, menée par le Pr François-Clément Bidard (Institut Curie) et le Pr Nicholas Turner (Institute of Cancer Research, Londres), propose une approche nouvelle alliant biopsie liquide et hormonothérapie.
Cette stratégie thérapeutique repose sur l’interception précoce à l’aide de la biopsie liquide qui détecte des mutations de résistance dans l’ADN tumoral circulant chez des patientes prises en charge pour un cancer du sein métastatique hormonodépendant, puis, en conséquence, un traitement d’hormonothérapie par camizestrant, un Serd (inhibiteur sélectif des récepteurs aux œstrogènes) de nouvelle génération.
Dans près de 40 % des cas de ce type de cancer, des mutations activatrices du gène du récepteur aux œstrogènes (ESR1) surviennent en cours de traitement, menant à une résistance et contraignant alors à en changer. « Le camizestrant est un nouveau médicament très bien toléré et induisant une approche nouvelle, car administré avant l’apparition de la résistance ; de plus, l’essai Serena-6 met en valeur les biopsies liquides et un de ses possibles usages », a commenté le Pr François-Clément Bidard à propos de ses travaux, lors d’un point de l’Institut Curie en amont du congrès 2025 de l’Asco où les résultats ont été présentés.
L’essai Serena-6 dérive de l’essai académique français Pada-1 mené par le Pr Bidard. Cette étude avait montré qu’il était possible de détecter les mutations, plusieurs mois avec la réévolution du cancer et qu’un changement de traitement pouvait contrer ces mutations. Il est financé par le laboratoire AstraZeneca qui entend obtenir les autorisations de mise sur le marché pour le camizestrant.
« Ces travaux originaux ouvrent des perspectives cliniques inédites pour l’utilisation des biomarqueurs circulants dans le traitement des cancers métastatiques, au-delà même du cancer du sein, met en perspective un communiqué de presse de l’Institut Curie. Dix ans se seront écoulés entre la mise au point au laboratoire d’un test sanguin détectant les mutations de résistance et les résultats de l’étude Serena-6 ». Les résultats ont été présentés en session plénière à l’Asco le 1er juin 2025 et ont été publiés dans The New England Journal of Medicine.
Avec le camizestrant, une meilleure qualité de vie pour les patientes
Dans Serena-6, les chercheurs ont donc évalué l’efficacité du camizestrant, en relais d’un premier traitement pour contrer les mutations détectées à la biopsie. « Le camizestrant est un traitement de rattrapage d’un traitement de première ligne », a précisé le Pr Bidard. Ils ont ainsi comparé un changement d’hormonothérapie orale ou pas de changement dès l’apparition d’un signal sanguin de résistance (mais sans signe d’évolution de la maladie).
Un total de 3 256 patientes a tout d’abord participé à la phase de détection de mutations au cours de traitement. Pendant cette phase, les patientes, qui recevaient une association standard d’anti-aromatase et d’un inhibiteur de la prolifération cellulaire CDK4/6, réalisaient une prise de sang tous les 2 à 3 mois. Au cours de cette phase, les auteurs ont retrouvé 315 patientes ayant développé une mutation ESR1 dans le sang mais dont le cancer n’avait pas réévolué. Elles ont alors été randomisées, soit pour continuer leur traitement (anti-aromatase et inhibiteur de CDK4/6) sans modification (n = 157), soit pour recevoir du camizestrant ainsi que l’inhibiteur de CDK4/6 (n = 158).
Les auteurs retrouvent dans le groupe camizestrant un risque d’évolution du cancer diminué de 56 % avec, à la clé, une réévolution plus tardive (6 mois en moyenne) par rapport à l’autre groupe. À 12 mois, la survie sans progression était de 16 mois en médiane pour les patientes ayant reçu du camizestrant contre 9,2 mois (HR = 0,44). À 24 mois, le taux de survie sans progression atteignait 29,7 % contre 5,4 %. Concernant la tolérance, les auteurs rapportent environ 1 à 2 % de patientes interrompant le traitement du fait d’effets indésirables dans les deux groupes. Enfin, les auteurs se sont également intéressés à la qualité de vie : les patientes sous traitement standard malgré la mutation ESR1 ont vu leur qualité de vie décliner après 6,4 mois en médiane, contre 23 mois chez les patientes ayant changé de traitement (HR = 0,53).
Avec Serena-6 c’est donc une stratégie d’interception des résistances, grâce à un suivi régulier des mutations ESR1 non invasif par prise de sang et un changement de traitement, que proposent les auteurs, avec un bénéfice tant sur la survie que la qualité de vie des patientes. C’est la première fois qu’un essai mondial se sert de l’ADN tumoral circulant pour le suivi.
L’essai Umbrella à Gustave Roussy veut stratifier le risque de rechute
Gustave Roussy s’intéresse aussi de près aux biomarqueurs circulants. Avec son IHU Prism, l’institut de cancérologie vient de lancer l’essai de phase 3 Umbrella, randomisé en double aveugle contre placebo, qui vise à personnaliser le suivi post-thérapeutique en fonction de la présence ou non d’une maladie moléculaire résiduelle (MRD), détectée dans le sang grâce à l’analyse de l’ADN tumoral circulant par biopsie liquide.
La MRD est un indicateur précoce du risque de récidive, la détecter permettrait ainsi de démarrer des traitements préemptifs avant la rechute clinique. Umbrella évaluera deux stratégies post-traitement, et, ce, dans plusieurs types de cancers non métastatiques. Pour les patients MRD positifs, les auteurs testeront l’intérêt d’une immunothérapie (tislélizumab) contre placebo, avec un suivi médical conventionnel (imagerie + examen clinique tous les 3 à 6 mois). Pour les patients MRD négatifs, considérés à faible risque, l’essai évaluera la possibilité d’un suivi allégé (tous les 6 mois, puis annuel), afin de limiter les consultations et examens inutiles sans perte de chance. Cet essai multicentrique (environ 700 patients dans une dizaine de centres français) durera 4 ans avec plusieurs collaborations industrielles.
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