Les opioïdes ne font pas mieux qu’un placebo dans le traitement des lombalgies et des cervicalgies aiguës. Telle est la conclusion d’un essai clinique paru le 28 juin dans le Lancet.
Comme le rappellent les auteurs de cette étude, « les guidelines cliniques recommandent actuellement les opioïdes pour les patients souffrant de douleurs lombaires ou cervicales aiguës quand les autres traitements pharmacologiques sont contre-indiqués ou ont échoué ». Et en pratique, « ces analgésiques sont couramment utilisés pour les lombalgies aiguës et les douleurs cervicales », même si « les données d'efficacité à l'appui sont rares ». Des données internationales suggèrent ainsi qu’environ 40 % des patients souffrant de lombalgie se voient prescrire des antalgiques opioïdes.
Pas de bénéfices sur la douleur
Dans ce contexte, une équipe australienne a décidé de réévaluer l’efficacité de ces pratiques. Pour ce faire, les chercheurs ont conduit, auprès d’environ 350 personnes présentant une lombalgie ou une cervicalgie (ou les deux) depuis 12 semaines au maximum, un essai clinique randomisé, multicentrique, en triple aveugle, contre placebo. En sus du traitement standard, la moitié des patients ont reçu un traitement opioïde (par oxycodone + naloxone) pendant une durée maximale de 6 semaines, quand l’autre moitié a reçu un placebo dans le même intervalle de temps.
Résultat : à 6 semaines, « il n’y avait pas de différence significative dans les scores de douleur (…) entre les bras opioïdes et placebo », résume le Lancet. De fait, à ce stade, les patients ayant reçu des opioïdes ont en moyenne signalé un score de douleur de 2,78/10, contre 2,25/10 dans le bras placebo. Et, à plus long terme, les opioïdes pourraient même faire moins bien qu’un placebo. « La différence entre les groupes augmentait dans le temps, et à 52 semaines, il y avait une légère différence en faveur du placebo », indiquent les auteurs.
Un surrisque de mésusage à long terme
En revanche, les opioïdes se révèlent associés à davantage d’effets indésirables que le placebo. Certes, « il n'y avait aucune différence concernant le nombre total de participants signalant un événement indésirable (y compris grave) entre les deux bras de l’essai; cependant, il y avait plus de déclarations de nausées, constipation, vertiges dans le groupe opioïdes », rapporte le Lancet.
Et surtout, ces antalgiques – pourtant utilisés sur une relativement courte durée dans le cadre de l’étude – se révèlent liés à un surrisque de mésusage d’opioïdes à long terme. « Le risque d'abus n'était pas différent entre les groupes après 12 et 26 semaines, mais significativement plus élevé dans le groupe opioïdes après un an – avec 20 % (24/123) (de l’effectif du bras opioïdes pouvant être considérés comme à risque) contre 10 % (13/128) (des volontaires du groupe placebo) », détaille le Lancet. « Nos résultats suggèrent que même un traitement par opioïdes de courte durée peut accroître le risque de mésusage à long terme », insistent les auteurs.
Plaidoyer pour un changement des pratiques
Concernant les limites de cette étude, les auteurs pointent notamment un défaut d’observance des volontaires. Un phénomène toutefois observé dans le groupe opioïdes comme dans le groupe placebo et courant dans les essais cliniques consacrés aux douleurs lombaires ou cervicales, notent les chercheurs. Ce qui, selon eux, « pourrait refléter la pratique en vie réelle ».
Par ailleurs, si l’on peut s’interroger sur l’impact de la naloxone, antagoniste des opioïdes utilisé pour réduire les effets indésirables de l’oxycodone et ainsi « minimiser le risque de levée d’aveugle » sur les résultats de l’étude, les auteurs excluent toute interférence de la molécule avec les effets antalgiques de l’opioïde. « Moins de 3 % de la naloxone ingérée per os (atteignant) la circulation générale, (la naloxone) n’a pas d’effet sur les effets analgésiques de l’oxycodone », expliquent-ils.
Au total, « les opioïdes ne devraient pas être recommandés pour les lombalgies ou cervicalgies aiguës non spécifiques », concluent les auteurs, qui appellent à un changement des pratiques.
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