Agnès Buzyn sort de son silence maintenu depuis déjà deux ans en se confiant au journal Le Monde. « J'ai apporté toutes les preuves et qu'on a anticipé et géré au mieux. En vain. Les Français croient que je n'ai rien fait », raconte l'ancienne ministre dans un article de deux pages intitulé "Les fantômes d'Agnès Buzyn". Après sa démission de poste de ministre et son échec retentissant à l'élection municipale de Paris, elle est alors redevenue médecin à l'hôpital militaire de Percy. Ce sont « les trois mois les plus éprouvants de sa vie. Ce journal m'a sauvé de la dépression », relate-t-elle. Il commence fin 2019 et se termine à l'été 2021. Agnès Buzyn a longtemps hésité à le publier dans une version édulcorée, mais a finalement renoncé : un éditeur qui était prêt à le publier le souhaitait dans sa version originelle. Ce document sert à la Cour de justice de la République. Seule ministre pour l'instant à être mise en examen dans les suites de cette pandémie, elle se refuse à être le seul bouc émissaire de cette crise. Pour autant, l'ex ministre de la Santé souhaite rester loyale vis-à-vis de l'exécutif qui l'a promue ministre. Issue de la société civile, son poids politique était faible vis-à-vis des poids lourds de la majorité. Son sentiment est de ne pas avoir été entendue par les deux têtes de l'exécutif. En témoignent les nombreuses alertes qu'elle dit leur avoir lancées. En vain. Exemple dans un SMS au Président envoyé le 27 janvier 2021, soit cinq jours après le confinement de la ville de Wuhan en Chine : « Si la mortalité de ce nouveau virus est plus faible que le Sras, sa contagiosité est plus forte », écrit-elle. L'ancienne ministre tablait alors avec une mortalité de 1 % sur 100 000 morts pour 10 millions de personnes contaminées. Les élections municipales ont représenté le summum de son désappointement. Là encore, tandis que le président Macron se rend au théâtre le 7 mars, elle l'exhortait déjà le 29 février à préparer le pays et les hôpitaux à l'arrivée de la vague. Le 13 mars, elle demande à l'exécutif de « tout arrêter. Cela va être la bérézina dans les hôpitaux ».
Fusible ?
A-t-elle servi de fusible au débotté pour remplacer Benjamin Griveaux grillé après l'affaire de sa vidéo compromettante en tant que candidate à la mairie de Paris ? Après avoir subi une pression considérable pour y aller, ayant été poussée par le Gouvernement à démissionner de ses fonctions, elle finit par céder : « J'ai tenté de résister, mais la pression était trop forte. Je comprends aujourd'hui que tout avait été décidé et qu'il fallait juste trouver la bonne formule pour que je lâche prise. Je n'aurais jamais dû partir. À la santé, j'étais à ma place. Là, on me poussait au mauvais endroit au mauvais moment. Ce fut une profonde injustice. »
Le soir même du premier tour, elle parle d'une « mascarade » dans des SMS et se confie au journal Le Monde. Des propos qui vont secouer le pays tout entier.
Illusions perdues
Le temps guérit-il toutes les blessures ? En tout cas, Agnès Buzyn veut s'en convaincre : « Je vais bien parce que je l'ai décidé. Je ne veux pas passer pour une victime ni vivre dans la rancœur. Je suis passée dans une lessiveuse, mais il faut que j'en ressorte droite. » Pas si sûr quand elle se dit bouleversée par le personnage du film Les Illusions perdues de Xavier Gianolli qu'elle a vu et qui en sort profondément meurtri et esseulé.
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