Qu’entend-on exactement par chemsex, qui sont les personnes concernées, quels sont les risques, etc. ? Dans un rapport remis le 17 mars au ministre de la Santé, un groupe d’experts coordonné par le Pr Amine Benyamina (psychiatre addictologue, AP-HP, Paris) dresse un état des lieux des pratiques de chemsex en France.
Comme le rappelle le document, ce terme vient de la fusion des mots anglophones « Chemicals » (produits chimiques) et « Sex », et désigne la prise de substances psychoactives en contexte de sexualité. « L’objectif réside principalement dans le but d’initier, de faciliter, de prolonger, ou d’améliorer les rapports sexuels à travers les effets psychoactifs des molécules consommées », précise le rapport.
20 % des HSH potentiellement concernés
En France, ce type de pratique a été observé dès le milieu des années 2000, mais s’est développé plus particulièrement à partir des années 2010 avec l’arrivée de nouveaux produits de synthèse (NPS), principalement au sein de la communauté gay.
À ce jour, peu de données consolidées existent pour quantifier l’ampleur du phénomène. « Ce dernier pourrait concerner environ 20 % des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), soit potentiellement 100 000 à 200 000 personnes en France », évalue le rapport. Même si le phénomène est difficile à évaluer, « il semble en outre y avoir des signes de diffusion dans d’autres sous-populations ».
Une étude anglaise centrée sur les FSF (Femmes ayant des rapports Sexuels avec d’autres Femmes) retrouve ainsi pour certaines d’entre elles des pratiques similaires au chemsex. Par ailleurs, « la démocratisation des applications de rencontre géolocalisées (qui a été) plus tardive en population hétérosexuelle que chez les HSH, pourrait participer à une éventuelle diffusion future des pratiques de chemsex dans différents sous-groupes ».
Des risques multiples
Les substances les plus consommées dans ce cadre sont avant tout des cathinones de synthèse, mais également du GHB et de son précurseur le GBL, et, dans une moindre mesure, de la cocaïne, de la MDMA (méthylènedioxymétamphétamine), de la kétamine et de la méthamphétamine.
Avec à la clé des risques somatiques, psychologiques/psychiatriques ou addictifs propres à chaque produit. Le rapport pointe aussi un risque infectieux qu’il soit lié à l’injection ou à des pratiques à risque d’IST.
Les complications liées au chemsex et rapportées au réseau des centres français d’addictovigilance ont récemment été synthétisées. Au total, 235 cas incluant 24 décès (10.2 %) ont été analysés. Les principales complications rapportées étaient l’apparition rapide de trouble de l’usage (63 % des cas), des troubles neurologiques aigus (50 %), des troubles cardiovasculaires (50 %), des troubles psychiatriques (39 %) et des complications infectieuses (18 %), incluant 11 cas de séroconversion (dont huit contaminations par le VHC, une par le VIH et deux VIH/VHC). Le GBL était retrouvé dans 95 % des cas de coma (n = 22).
Une feuille de route santé sexuelle
Dans ce contexte, le rapport formule plusieurs propositions afin de renforcer la prévention et la réduction des risques associés à cette pratique.
« Face à ce phénomène en apparente croissance, un des enjeux est d’outiller les professionnels pour le repérage, la prévention et la prise en charge des problématiques potentiellement engendrées par ces pratiques », souligne le ministère de la Santé dans un communiqué.
À ce titre, la feuille de route santé sexuelle 2021-2024 a notamment pour objectif un renforcement des liens entre les différentes structures de prévention et les professionnels de premier recours, afin de favoriser un plus grand repérage et une meilleure prise en charge des usagers pratiquant le chemsex.
Ainsi, « la place des médecins généralistes, déjà au cœur de la politique de prévention et acteurs du premier recours de la santé sexuelle sera renforcée. De la consultation longue santé sexuelle à l’accessibilité du Traitement Post-exposition (TPE) au VIH, ils constituent des acteurs essentiels en lien avec les structures de prévention et les associations communautaires dans une approche globale de la santé », indique le communiqué.
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