Vers la fin de l'exercice en solo

CPTS : opportunité ou casse-tête ?

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Publié le 01/04/2019
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« La situation tendue de l'accès aux soins va se poursuivre jusqu'en 2025, prophétise le Dr Claude Leicher, président de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS). Et on ne rattrapera le niveau de l'offre de soins de 2015 qu'en 2040 si les jeunes s'installent ! Si les professionnels de santé ne se réorganisent pas, la population aura d'énormes difficultés ». 

Totalement convaincu de l'intérêt des CPTS, le généraliste d'Etoile-sur-Rhône (Drôme) participait à une table ronde organisée par l'association des cadres de l'industrie pharmaceutique (ACIP) pour débattre de ces groupements de professionnels libéraux imaginés par la loi Touraine mais restés lettre morte faute de financement. Le gouvernement en espère un millier à l'horizon 2022, grâce à un accompagnement conventionnel solide.

Pas de dérive techno 

Alors que certains praticiens redoutent une énième strate bureaucratique, l'ex-président de MG France s'est montré pragmatique et pédagogue. La CPTS est bien un collectif de libéraux qui rassemble des équipes de soins primaires de premier recours mais aussi des équipes de soins spécialisées et des acteurs du médico-social et du social. À l'échelle d'un bassin de vie, la structure collabore avec ses partenaires territoriaux – l'hôpital, les réseaux spécialisés (diabétologie, mucoviscidose, etc.), la santé au travail ou la PMI – avec un enjeu nouveau de responsabilité populationnelle (dépistage, prévention, éducation à la santé, etc.). « Ce que ne font pas forcément les médecins qui s’occupent de leur propre patientèle », recadre le Dr Leicher. La création d'une CPTS est d'initiative locale (en non pas imposée d'en haut), certes formalisée par un projet de santé validé par l'ARS. « Ce projet est évolutif et adapté aux besoins du territoire », ajoute le Dr Leicher.

Autre point positif à ses yeux : contrairement à la volonté exprimée par certains députés lors de l'examen du projet de loi santé, les missions des CPTS n'ont pas été inscrites dans la loi dans le souci de préserver les négociations conventionnelles en cours. À ce stade, la CNAM et les syndicats ont retenu quatre missions prioritaires (accès facilité à un médecin traitant, accès à des plages de soins non programmés, organisation des parcours/coordination et prévention) et deux optionnelles : qualité et pertinence (groupes qualité par exemple) et accompagnement (accueil des stagiaires, compagnonnage…).

Le financement ne sera-t-il pas un obstacle ? « La dynamique des CPTS existe sur le terrain mais cela dépendra aussi des décisions budgétaires, admet le Dr Leicher. Les MIGAC (missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation allouées à l'hôpital), ce sont plusieurs milliards d'euros... ». À ce stade, la CNAM envisage d'allouer des budgets compris entre 175 000 et 300 000 euros par an maximum par CPTS, au titre du fonctionnement et des missions.

Carotte et bâton

Lors de ce débat, Annelore Coury, directrice déléguée de la CNAM chargée de l'offre de soins, a tenté de rassurer, en insistant sur la souplesse du dispositif.  « Aucune forme juridique ne sera exigée, rappelle-t-elle. Et dès que la structure est créée, l'assurance-maladie versera immédiatement un financement pour l'aider à se développer. Puis selon les missions réalisées, nous compléterons ce financement ». Les négociations en cours visent à fixer ce cadre de coopération avec un financement à la hauteur. Les dotations doivent permettre de rémunérer les outils partagés et le temps de coordination.

L'exercice médical en solo sera-t-il pénalisé, si certains forfaits ou dotations ne profitent qu'aux praticiens coordonnés d'une manière ou d'une autre ? De fait, la loi de financement de la Sécurité sociale 2019 (LFSS) permet de « moduler » la rémunération des professionnels en fonction de leur participation à l'exercice coordonné. « Nous allons aborder cette question avec les médecins », assume la directrice déléguée de la CNAM.

Il faudra du temps pour convaincre. Selon notre sondage Odoxa exclusif*, seuls 40 % des médecins libéraux sont aujourd'hui favorables au déploiement des CPTS.

* Enquête professionnels de santé réalisée (pour le Groupe Profession Santé dont « Le Quotidien du médecin ») auprès de 3366 acteurs de santé, dont 929 médecins généralistes et 1040 spécialistes du 21 février au 15 mars 2019.   

Loan Tranthimy et Cyrille Dupuis

Source : Le Quotidien du médecin: 9737