Hospitalocentrisme, avènement des CPTS et de la santé publique...  quelles leçons de la crise sanitaire pour les professionnels de ville ?

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Publié le 05/07/2021
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Crédit photo : Amandine Le Blanc

La crise sanitaire n’est pas encore terminée, mais après un an et demi de pandémie, les professionnels peuvent déjà avoir un recul sur l’organisation du système de santé pendant cette période. C’est ce que leur proposait de faire l’Université du changement en médecine (UC2M) lors de son colloque sur le thème : « La Santé à l’épreuve de la décision publique : que nous apprend la crise sanitaire sur l’organisation des pouvoirs dans la Santé ? ».

Lors d’une table ronde avec les acteurs de terrain de ville, les intervenants ont regretté une nouvelle fois que, dans la première phase de l’épidémie, la médecine de ville ait été complètement oubliée. « La crise Covid a été révélatrice de ce qu’est notre système de santé, c’est-à-dire largement centré sur l’hôpital et avec des décisions descendantes », a souligné le Dr Jacques Battistoni, président de MG France.

Pour les acteurs de terrain, le premier grief a été la consigne passée au début de l’épidémie aux patients. « À la mi-mars, l’État a dit si vous êtes malades vous appelez le centre 15, il y a eu une captation par le 15 de la demande de soins, comme si nous n’existions plus. Cela a été très brutal, nous n’avions jamais vécu, à la suite d’une consigne gouvernementale, une disparition des patients de nos cabinets », relate le Dr Battistoni.

L'Assurance maladie, interlocuteur plus réactif

Avec le recul, le Dr Étienne Pot, spécialiste en santé publique, considère qu’il est légitime de s’interroger sur cette décision. « Était-il normal que l’hôpital et le centre 15 soient l’alpha et l’oméga de la réponse au Covid-19 », interroge-t-il. Car pour lui sur le terrain, dans les établissements médico-sociaux, il estime que tout n’a pas fonctionné parfaitement avec l’hôpital et le centre 15. « La réalité est qu’il y a des établissements non médicalisés qui se sont retrouvés à gérer des détresses respiratoires et se sont sentis bien seuls, car les hôpitaux et le 15 étaient saturés. Et nos collègues médecins et infirmiers libéraux ont été les premiers à venir nous aider dans ces établissements, même s’ils ne gagnaient pas d’argent à cette période-là », explique-t-il. Selon lui, cette crise doit nous amener à se poser la question : l’hôpital doit-il être au centre de tout. « Sur le terrain, il y a plein de régions en France où ce n’est pas le cas ».

La communication entre le terrain et le ministère n’a pas toujours été évidente dès le début de la crise et jusqu’à la campagne vaccinale pour laquelle les professionnels de ville étaient pourtant motivés et prêts à se mobiliser. « Nous avons proposé une réunion interprofessionnelle au ministère dès novembre, mais il y a eu un silence radio pendant longtemps. Ensuite des réunions hebdomadaires ont été mises en place, mais il s’agit de réunions d’informations sur lesquelles on peut faire des commentaires, mais pas d’un co-pilotage. Alors que nous avions des idées », regrette le Dr Battistoni.
Sur la collaboration pendant la crise, la communication, la construction des solutions, le président de MG France dresse d’ailleurs le constat que « l’Assurance maladie a été beaucoup plus réactive que le ministère de la santé ». « Le contact tracing par exemple, a été imaginé ensemble », souligne-t-il.

Émergence des CPTS et de la santé publique 

Pour la médecine de ville, si la crise sanitaire a au moins permis une chose, c’est l’avènement des CPTS. « Si les professionnels de ville veulent avoir une place dans le pilotage, ils doivent pouvoir être identifiés, et cela passe par les CPTS. Elles ont émergé et dans quelques années nous aurons un maillage territorial important », juge le Dr Battistoni. Dominique Jakovenko, infirmier libéral dans le Gard, dresse le même constat. « Il y avait beaucoup d’interrogations sur les CPTS. C’était un peu un gros mot avant la crise. Mais l’épidémie les a implantées et elles seront incontournables. En pluripro ça fonctionne », estime-t-il. « La seule chose que je recommande, c’est que la clinique et l’hôpital de secteur soient intégrés », ajoute-t-il.

Autre apport de la crise sanitaire, « nous avons découvert la santé publique », note Dominique Jakovenko. « Cela a été l’irruption de la notion de santé publique dans l’esprit des médecins. Et c’est quelque chose de nouveau : s’occuper de la santé de la population de son territoire, sortir de son exercice limité à ses patients c’est quelque chose de révolutionnaire », ajoute le Dr Battistoni. Mais la notion n’a pas avancé que dans l’esprit des professionnels de santé. « Ce qui a été spectaculaire, c’est de voir à quel point les Français se sont saisis des sujets de santé publique et les ont compris, juge le Dr Étienne Pot. Pendant longtemps on a dit : on va expliquer le strict minimum aux Français sur ces sujets car ils sont complexes, austères etc. La vérité c’est qu’ils ont compris toutes les notions et ils se sont adaptés. »


Source : lequotidiendumedecin.fr