Atteinte de polykystose hépatorénale et greffée du foie en novembre dernier, l’artiste Thérèse Sayarath (chanteuse, musicienne et styliste) avait, quand son foie a atteint 5,5 kg, l’« impression de porter la mort en (elle) », a-t-elle témoigné lors d’une conférence de presse de l’Agence de la biomédecine (ABM), le 20 juin. Aujourd’hui, si elle ne connaît pas le donneur, elle tient à remercier la personne qui lui a « sauvé la vie parce qu’elle en avait parlé à ses proches ».
Ce témoignage rappelle l’importance du don et surtout celle d’aborder avec ses proches sa position sur le don d’organes et de tissus. La loi présume que nous sommes tous donneurs, ceux ne le désirant pas pouvant s'inscrire sur le registre national des refus, mais elle impose aussi aux équipes médicales de consulter les proches pour recueillir une éventuelle opposition du défunt.
À l’occasion de la journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe et de la reconnaissance aux donneurs le 22 juin, l’ABM lance, dès ce 21 juin, le deuxième volet de sa campagne de sensibilisation autour du slogan : « Peu importe comment, l’important c’est de le dire, le 22 juin, rappelez à vos proches que vous êtes donneurs ».
Un taux d'opposition stable à 33 %
L’enjeu est de taille. Alors que la grande majorité de la population (80 %) est favorable au don d’organes et de tissus, seuls 47 % en ont effectivement parlé. Ce silence immisce le doute chez les proches qui, par prudence, rapportent une opposition. En conséquence, « une personne sur trois n’est pas prélevée », alerte Marine Jeantet, directrice générale de l’ABM. Pourtant, en parler, « c’est soulager ses proches » au moment où les équipes médicales les consultent, plaide-t-elle.
Depuis plusieurs années, le taux d’opposition stagne à 33 %, un niveau élevé qui « handicape la progression » des prélèvements, regrette le Pr François Kerbaul, directeur national du prélèvement et de la greffe organes et tissus de l’ABM. Un « potentiel énorme (...) disparaît », ajoute Marine Jeantet, tout en rappelant que l'activité n'a toujours pas retrouvé son niveau d'avant Covid. Sur les cinq premiers mois de 2023, le taux d'opposition a augmenté de 1 %, ce qui représente « 100 greffons », souligne Cédric Émile du collectif d’associations « Greffe + ».
Plusieurs éléments influencent ce taux d’opposition, et notamment l’âge du donneur potentiel. « Plus il est jeune, plus le taux d’opposition est important », indique le Pr Kerbaul, qui mentionne un taux de 50 % chez les jeunes enfants de 0 à 5 ans. La formation des équipes est également déterminante : elle apparaît corrélée à la baisse du taux d’opposition, poursuit-il.
Un gradient socio-économique est aussi observé, l’opposition étant plus forte dans les catégories les plus défavorisées. Les proches disent non d’autant plus qu’ils « sont relégués socialement », précise Marine Jeantet. La religion est parfois évoquée, alors qu’« aucune interdiction » n’apparaît dans les textes, souligne Carine Raffestin, infirmière de coordination du CH de Moulins Yzeure, membre de l’association française des coordinateurs hospitaliers.
Le contexte social joue aussi. Des pics d'opposition interviennent notamment dans des périodes d'évènements d'ampleur nationale, comme les confinements, ou de tensions sociales, comme le mouvement d'opposition à la réforme des retraires. À l'occasion de ce dernier, un pic à 40,1 % a été observé en février 2023.
Une campagne pour dédramatiser
Pour les coordinateurs chargés d'interroger l'entourage, le fait d’aborder la question avec les proches qui n’en ont jamais parlé avec le défunt est une « vraie difficulté » qui se « surajoute aux autres ». La discussion peut être perçue comme « brutale », reconnaît-elle, et justifie d’engager le dialogue avant. « Ça facilite notre travail », ajoute-t-elle.
Avec sa nouvelle campagne de communication, l’ABM veut « dédramatiser » cette discussion et faire de chaque 22 juin la journée où tout le monde en parle. Un premier volet, du 24 avril au 20 juin, visait à rappeler la finalité du don via des spots TV, des affichages et une série de vidéos « les Zorganes » pour les réseaux sociaux. Ce deuxième temps, les 21 et 22 juin, verra deux clips être diffusés à la télévision, un spot à la radio, une annonce dans la presse quotidienne régionale et un dispositif digital. La patronne de l’ABM invite également au port du ruban vert, adopté en 2019 par les associations pour symboliser le don d’organes et de tissus.
Selon elle, un élan de mobilisation nationale reste nécessaire pour atteindre les objectifs du Plan greffe 2022-2026. Pour l’heure, si 5 495 personnes ont bénéficié d’une greffe en 2022 et ont ainsi été sauvées grâce aux dons, près de 10 000 nouveaux patients sont inscrits en liste d’attente chaque année. « Trois personnes meurent chaque jour sur liste d’attente », rappelle Marine Jeantet.
Alors que l’activité de prélèvements et de greffe n’avait pas retrouvé en 2022 son niveau pré-Covid, les données sur les premiers mois de 2023 font état d’une dynamique plus favorable, sans toutefois rattraper le retard. De janvier à mai, l’activité de prélèvement était en hausse de 8 % par rapport à la même période en 2022 pour atteindre 631 prélèvements. Mais, sur les premiers mois de la période de 2017 à 2019, 745 prélèvements étaient réalisés en moyenne. Même constat pour l’activité de greffe : avec 2023 interventions entre janvier et mai, les premiers mois de 2023 sont marqués par une hausse de 5,2 % (+ 114 greffes) par rapport à 2022, mais le niveau d’activité reste en deçà de la période pré-Covid (2 521 greffes en moyenne entre 2018 et 2019).
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