La liste s’allonge. Après des pénuries de paracétamol pédiatrique et d’amoxicilline depuis l’automne, c’est désormais au tour de certains antiasthmatiques ou corticoïdes, comme la prednisone et la prednisolone, d’être en « très forte tension » selon l’Agence nationale du médicament (ANSM).
« Les pénuries existent depuis dix ans, mais à ce niveau-là c’est une première ! », constate Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo). « Entre janvier 2022 et janvier 2023, les pénuries de médicament ont été multipliées par deux, rappelle le pharmacien de Dijon. Désormais, toutes les molécules sont touchées ou presque, antibiotiques, anticancéreux, insulines, antihypertenseurs… ».
Salbutamol, azithromycine, cefpodoxime…
Fin décembre, alors que 70 % des officines se déclaraient en pénurie d’amoxicilline pédiatrique, l’ANSM a autorisé les pharmaciens à délivrer « à titre exceptionnel et temporaire » des préparations magistrales adaptées aux enfants de moins de 12 ans, remplaçant l’antibiotique en suspension buvable. Début janvier, c’est la vente de paracétamol en ligne qui a été interdite pour limiter les ruptures.
Des mesures de contingentement et d’interdiction de vente à l’étranger ont également été prises par l’ANSM pour les spécialités en tension. C’est le cas depuis mi-décembre dans l’asthme – par exemple pour certaines formes de salbutamol ou de montélukast – mais aussi pour tous les dosages d’azithromycine et quasiment toutes les formes orales de cefpodoxime.
« Dans mon officine, nous n’avons quasiment plus d’amoxicilline adulte, plus aucun antitussif et seulement quelques boîtes par semaine de prednisolone », témoigne Pierre-Olivier Variot, qui affirme que les pharmaciens passent en moyenne « 12 heures par semaine à chercher des molécules ».
« Ça fait suer les médecins »
Face aux pénuries, « c’est le système D ! », raconte le pharmacien dijonnais. « Pour les corticoïdes parfois, je ne donne que le début du traitement. Pour l’amoxicilline, lorsque nous sommes en pénurie de sirop, on ouvre des gélules de 500 mg… », indique-t-il évoquant « une situation très angoissante pour les patients ».
Au téléphone, pharmaciens et médecins s’organisent pour « adapter les doses ou changer d’antibiotiques » mais la tâche est « très chronophage et le temps médical est précieux, ça fait suer les médecins », atteste encore Pierre-Olivier Variot.
« La situation ne se dégrade pas », selon l'ANSM
Contactée par « Le Quotidien », l’ANSM affirme ce mardi « que la situation ne se dégrade pas ». Des rencontres régulières sont organisées entre l’agence, le ministère, les professionnels de santé et les patients pour œuvrer à de nouvelles mesures, mais « la situation est toujours sur un flux tendu », confirme l’ANSM. Un nouvel outil devrait être mis en place dans les jours qui viennent par l’Agence pour apporter plus de transparence sur la production des laboratoires.
Pour le président de l’Uspo, « le prix du médicament est source de rupture ». « Les industriels, les grossistes, vont parfois préférer vendre à l’Allemagne ou à l’Italie où les médicaments sont deux à trois fois plus chers qu’en France, alors qu’ils coûtent le même prix à produire », commente Pierre-Olivier Variot, qui plaide pour la fin des baisses de prix.
Malgré les mesures déjà prises, le pharmacien ne voit pas d’amélioration dans son officine et imagine un retour à la normale pour le printemps. « Sur la première quinzaine de janvier, en moyenne, les officines pourront être livrées de 30 boîtes de paracétamol liquide, alors que le besoin estimé est de 50 boîtes », a aussi regretté Philippe Besset président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), vendredi.
« Pas un mot » d'Emmanuel Macron
Certains confrères en appellent à la responsabilité de l’exécutif comme le syndicat Jeunes médecins qui s’interrogeait la semaine dernière : « Après deux ans de crise sanitaire, et de grands discours sur la nécessaire souveraineté médicale et pharmaceutique, quelles sont les réponses apportées par ce gouvernement ? Où sont passés les milliards du Ségur de la santé ? ». La branche généraliste de la CSMF a regretté de son côté qu’Emmanuel Macron ne dise « pas un mot » lors de ses vœux vendredi « sur les pénuries récurrentes de médicaments ».
François Braun renvoie la balle aux laboratoires. Le ministre de la Santé – qui s’est dit jeudi dernier « préoccupé » par les ruptures de stock – a indiqué que « la demande (d’amoxicilline) n’avait pas été anticipée par les industriels ». Par rapport aux premières vagues de Covid, la consommation a explosé, sans pour autant que les labos adaptent leur production. Selon les données du Gers, 63 millions de boîtes d’amoxicilline ont été vendues de janvier à novembre 2022, contre 45 millions en 2020.
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