Dans un jugement rendu le 5 mars 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a tranché en faveur du collectif Baclohelp et de l'association Audes et a annulé la décision de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d'imposer une limite de 80 mg par jour aux autorisations de mise sur le marché de Baclocur 10, 20 et 40 mg.
Baclocur est une spécialité dont le principe actif est le baclofène et commercialisée par le laboratoire Éthypharm dans l'indication de la réduction de la consommation d’alcool chez les patients adultes présentant une dépendance et une consommationà risque élevé, après échec d'autres approches thérapeutiques.
Ce jugement sur le fond était très attendu. Il fait suite à de nombreux rebondissements : au tout départ, les associations de patients s'étaient insurgées contre la décision de l'ANSM, lorsque le médicament ne faisait encore l'objet que d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU). Baclohelp et Audes avaient alors déposé un recours devant le Conseil d'État. Et, malgré l'avis défavorable du comité scientifique spécialisé temporaire, l'ANSM avait finalement accordé une AMM à Baclocur en octobre 2018, dans laquelle elle imposait la limite de 80 mg par jour héritée de la RTU. Le 8 juillet 2019, le Conseil d'État décidait que le jugement devait être attribué au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a ordonné, le 18 juin 2020, la suspension de l'AMM, le temps de juger l'affaire sur le fond. Une décision finalement cassée le 20 novembre par le Conseil d'État…
Et le récent jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne clôturera pas l'affaire : l'ANSM a d'ores et déjà affirmé qu'elle fera appel de la décision.
L'étude ANSM-CNAMTS malmenée par la cour
Dans sa décision, le tribunal s'appuie sur « la très importante documentation présentée par les parties, relative aux recherches, essais et études et aux constatations de diverses sociétés savantes, que le principe actif du baclofène, en sa qualité d’agoniste des récepteurs GABA-b qui diminuent la libération de dopamine, a pour effet de diminuer voire supprimer les réponses conditionnées aux substances addictives ».
Un point important à retenir est l'analyse sévère faite par le tribunal de l’étude observationnelle CNAMTS-ANSM-Inserm de 2017, sur laquelle se fonde la décision de limitation de dose quotidienne à 80 mg. Les données de l'étude montraient qu'entre 75 mg/jour et 180 mg/jour, le risque d’hospitalisation chez les patients traités par baclofène est augmenté de 15 % par rapport aux traitements de la dépendance à l’alcool, et le risque de décès de 50 %. En particulier, le risque d’intoxication, d’épilepsie et de mort inexpliquée s’accroît avec la dose de baclofène reçue. Au-delà de 180 mg/jour, la fréquence des hospitalisations augmente de 46 % et le risque de décès double.
Des doses supérieures dans Alpadir et Bacloville
Ces données n'ont pas convaincu le tribunal estimant que « cette étude CNAMTS-ANSM-Inserm présentait de nombreuses approximations et incertitudes, tenant notamment au fait qu’aucune conclusion ne pouvait être tirée de ses résultats, extrapolés statistiquement s’agissant des patients traités par baclofène, en l’absence de toute donnée médicale sur les patients concernés, et notamment de leur consommation d’alcool, de l’importance de cette consommation, de la réalité des doses prises dans un contexte de prescription non encadrée par la RTU, mise en place seulement en 2014. » Le tribunal conclut que l'étude conjointe de la CNAMTS et de l'ANSM ne permet pas de tisser un lien entre la prescription de baclofène et les hospitalisations et décès mis en avant.
Le tribunal a aussi constaté que seul un effectif très limité des études Alpadir et Bacloville avait reçu une dose inférieure à 120 mg par jour. « De ce fait, aucune analyse d’efficacité ou de sécurité n’a pu être véritablement effectuée chez les patients ayant reçu la dose maximale de 80 mg par jour qui correspond pourtant à la limitation de la dose que les AMM contestées ont fixée », conclut le tribunal, ajoutant dans son argumentaire, que la limitation imposée par l'agence du médicament a pu provoquer des réticences de prescription et de délivrance.
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