La Cour de cassation a rejeté mercredi le pourvoi du laboratoire pharmaceutique allemand Merck, condamné en 2020 par la cour d'appel de Lyon à indemniser plus de 3 300 utilisateurs du Levothyrox ayant souffert d'effets secondaires, à la suite d'un changement de formule dans ce médicament prescrit contre l'hypothyroïdie.
Dans son arrêt, qui met un terme définitif à cette procédure, la Cour confirme que « lorsque la composition d’un médicament change et que cette évolution de formule n’est pas signalée explicitement dans la notice, le fabricant et l’exploitant peuvent se voir reprocher un défaut d’information », pouvant causer « un préjudice moral ».
En première instance, les juges lyonnais avaient écarté tout manquement du laboratoire pharmaceutique dans le lancement en 2017 du nouveau Levothyrox. Mais la cour d'appel a ensuite reconnu « une faute », condamnant Merck pour « préjudice moral » avec une indemnisation individuelle de 1 000 euros, soit un total de plus de 3,3 millions d'euros, alors que les plaignants réclamaient 10 000 euros par personne.
La nouvelle formule du médicament, modifiant certains de ses excipients afin d'apporter davantage de stabilité au produit, a été incriminée, entre mars 2017 et avril 2018, par quelque 31 000 patients souffrant de maux de tête, insomnies, vertiges, etc.
« Soulagement »
Durant le procès en appel, la société pharmaceutique avait réaffirmé qu'elle ne pouvait pas informer directement les patients, arguant que la loi le lui interdit. Mais selon la cour d'appel, le laboratoire « avait l'obligation légale d'informer directement les malades, notamment par la boîte et la notice ». « La seule mention du mannitol et de l’acide citrique dans un texte dense et imprimé en petits caractères, est insuffisante pour informer les patients d’une évolution de la formule », juge la Cour de cassation.
De même, concernant le préjudice moral, la Cour estime dans son arrêt que « n’ayant pas été informés de l’évolution de la composition du médicament, ses utilisateurs n’ont pas été en mesure de faire face immédiatement aux effets secondaires ». « Ils ont donc subi un préjudice moral temporaire, qui a duré jusqu’à ce qu’ils aient eu connaissance de ce changement de formule », estime la haute juridiction.
« C'est d'abord un soulagement car tout le monde craignait une cassation partielle, or l'arrêt confirme à 100 % la décision de la cour d'appel », s'est félicité auprès de l'AFP l'avocat des plaignants Christophe Lèguevaques, saluant « la confirmation de la responsabilité » de Merck et la reconnaissance du fait que les plaignants ont subi des préjudices moraux.
De son côté, Merck a « pris acte » de cette « position », mais a déploré dans un communiqué « qu’aucune expertise médicale n’ait été ordonnée et réalisée (...) pour confirmer l’existence ou non d’un lien de causalité entre le passage à la nouvelle formule du Levothyrox et les symptômes rapportés ».
Plainte au pénal
Si cette procédure d'ampleur est désormais close, le dossier du Levothyrox fait l'objet au pénal d'une information judiciaire contre X pour des faits présumés de tromperie aggravée, homicide et blessures involontaires et mise en danger de la vie d'autrui. Ouverte en 2018, elle est toujours instruite par le pôle santé du TGI de Marseille.
En juin 2019, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avait mené une étude sur plus de deux millions de patients ayant conclu que le passage à la nouvelle formule du Levothyrox n'avait pas engendré de « problèmes de santé graves ». Elle est aujourd'hui visée par une action collective pour « défaut de vigilance d'anticipation » de quelque 1 100 plaignants, lancée en septembre dernier devant le tribunal administratif de Montreuil.
En France, quelque 2,5 millions de patients utilisent quotidiennement la nouvelle formule du Levothyrox, selon Merck, et moins de 100 000 patients sont aujourd’hui traités avec l'ancienne formule, importée depuis fin 2017 sous le nom d'Euthyrox.
La distribution de l'ancienne formule, qui devait s'arrêter, a finalement été prolongée à plusieurs reprises et se poursuivra au moins jusqu'à la fin 2022, alors que la diversification de l'offre thérapeutique se poursuit, avec six médicaments alternatifs d'autres laboratoires sur le marché.
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