Huit mois après l’annonce du retrait d’une douzaine d’appareils de respiration défectueux, 93 % d’entre eux sont encore en circuit en France. Alors que la firme néerlandaise Philips avait promis de remplacer rapidement les appareils des 370 000 Français concernés, au 4 février, seuls 7 % des respirateurs défectueux avaient été changés, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Ces appareils contiennent une mousse insonorisante suspectée d’être potentiellement néfaste.
Malades révoltés
« Au fil des semaines, l'inquiétude a grandi dans les rangs des malades concernés », alerte la FFAAIR, fédération regroupant des associations de malades insuffisants ou handicapés respiratoires, qui déclare recevoir « quotidiennement des dizaines de témoignages de malades révoltés ». Le 16 février, l’association a décidé de se lancer dans une action en justice « pour faire toute la lumière » sur les respirateurs Philips défectueux.
Jugeant les informations de Philips « insuffisantes et contradictoires avec celles que nous avons récoltées dans d'autres pays », et désireuse de « faire toute la lumière sur cette affaire », la FFAAIR a mandaté l'avocat Christophe Lèguevaques « afin qu'il porte plainte contre X et se constitue partie civile au nom de l'association », indique Christian Trouchot, administrateur de la fédération.
La plainte, qui « visera principalement les infractions de mise en danger de la vie d'autrui, de tromperie et d'administration de substances nuisibles », devrait être « déposée à la mi-avril, le temps de constituer un dossier complet et d'intégrer les personnes physiques qui souhaiteraient nous rejoindre », selon l'avocat Christophe Lèguevaques.
Risques connus depuis 2015
« Nous sommes face à un Mediator de la respiration », avance déjà la fédération qui regroupe 51 associations régionales ou locales. La fédération est d’autant plus amère que la dangerosité supposée de ces appareils – vitaux pour les patients – était connue de Philips depuis 2015, « mais (l'entreprise) a tardé à réagir, plaçant des milliers de personnes dans une situation d’exposition continue à une pollution dangereuse », poursuit Christophe Lèguevaques.
En 2020 déjà, environ 0,03 % des utilisateurs de ces appareils avaient constaté « la présence de résidus/particules noirs dans le circuit d’air provenant de la sortie d’air de l’appareil, de l’humidificateur, du circuit et du masque », rapportait Philips en juin dernier. La société assurait à l’ANSM avoir mis en évidence deux risques : l'un lié à l’exposition à deux composés organiques volatils, ainsi qu’un risque d’exposition aux particules issues de la dégradation de la mousse.
Police sanitaire
En novembre dernier, la firme néerlandaise avait estimé pouvoir remplacer 50 % du parc des dispositifs concernés à la fin du premier trimestre 2022 et 75 % à mi-2022. Une promesse restée vaine, ce qui a exaspéré l’ANSM. « Philips ne respecte pas ses engagements », avait déclaré le 8 février Caroline Semaille, directrice adjointe de l’Agence, pour qui la situation n'est « plus acceptable ». L’ANSM a décidé d’enclencher une décision de police sanitaire, sommant l’entreprise de remplacer trois quarts des appareils défectueux d’ici à fin juin, faute de quoi des poursuites pénales seront engagées. Aussi, « la société Philips est tenue de mettre en place une étude épidémiologique indépendante visant à objectiver le risque de cancer potentiellement induit par l’exposition aux équipements de ventilation défectueux », peut-on lire sur la décision.
Depuis quelques semaines, la presse se fait écho de témoignages isolés de personnes atteintes de cancer après avoir utilisé ces appareils, même s'il est impossible à date d'établir un lien de cause à effet. L’agence française précise toutefois que ce risque cancérigène « n’est pas avéré ».
L'ANSM appelle les patients à ne surtout pas arrêter leur traitement et invite les pneumologues et prestataires de soins à domicile à informer leurs patients. La liste des appareils concernés a été publiée en ligne par l’agence. La FFAAIR, qui parle désormais de « respiratorgate » invite « les apnéiques du sommeil à lui écrire pour faire part des problèmes qu'ils rencontrent ».
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque