ILS SONT repartis choqués. Traumatisés, disent même certains. Les infirmiers anesthésistes ont mal vécu la répression de leur manifestation vendredi dernier à Paris. « Certains collègues se sont effondrés lorsqu’ils sont rentrés au travail lundi », raconte cet infirmier. « D’autres ont saisi la médecine du travail et ont demandé une cellule psychologique », témoigne cette jeune infirmière, elle-même en arrêt maladie depuis « le gazage sauvage et la course-poursuite » aux abords de l’Élysée.
Stéphane Houmeau, IADE strasbourgeois très impliqué dans le mouvement, a été reçu, avec dix autres, au ministère de la Santé vendredi. Il n’en revient toujours pas de l’accueil réservé à la délégation. « Ni la ministre ni le cabinet n’ont voulu nous voir, raconte-t-il. Nous avons refusé de quitter la salle où nous attendions. Au bout d’une heure et demie, les forces de l’ordre sont arrivées. Du grand cinéma. Des hommes cagoulés, laser en main, alors que nous étions juste armés de nos blouses et de nos masques. Nous avons été emmenés un par un, on nous a pris nos papiers. Un collègue de Colmar est resté en garde à vue jusqu’à samedi midi, il a sept jours d’ITT. Il est convoqué au TGI de Paris le 18 novembre, il encourt sept ans de prison pour avoir soit disant violenté des policiers en civil. Nous avons été gazés. Des policiers nous ont dit avoir fait ce jour-là ce qu’ils n’osent pas faire dans les cités. Ils ont reçu des consignes pour nous casser ». Stéphane Houmeau est très remonté. « Le ministère nous dénigre. Depuis lundi, ça s’est radicalisé. L’opération bloc mort est très suivie, des milliers de gens n’ont pas été opérés en France ces derniers jours. Le mouvement va se durcir encore ».
Blocs au ralenti.
Les chiffres fournis par les hôpitaux varient d’une ville à l’autre. L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille affichait 76,6 % de mobilisation mercredi (grévistes absents + grévistes assignés). À Paris et Lyon, on se contente de fournir le taux de participation (grévistes absents seuls) : 33 % à l’AP-HP, et 8,43 % aux HCL (80 % de mobilisation à la Croix-rousse, le pôle nord des HCL, d’après le Dr Nicole Smolski).
Les blocs tournent au ralenti. L’opération a un coût qui semble inquiéter les autorités. Certains hôpitaux parisiens recourent à l’intérim pour maintenir les urgences (22 IADE assignés ne se sont pas présentés à l’AP-HP mercredi). Des tensions surgissent au bloc. « Les chirurgiens sont remontés car ils n’opèrent pas », croit savoir Jean-Pierre Anthony, directeur de l’école d’IADE de Strasbourg. Perplexe face au mouvement qui se radicalise : « Pour moi, les IADE mènent un combat d’arrière-garde. L’alignement des IADE sur les IBODE (infirmiers de bloc opératoire) et les infirmières puéricultrices est inéluctable. On ne peut garder nos acquis et dans le même temps demander l’universitarisation de la filière ». Le protocole Bachelot signé en février dernier est moins favorable aux IADE qu’aux autres infirmières. « C’est pourquoi les IADE font aujourd’hui cavalier seul, regrette Jean-Pierre Anthony. C’est dommage. On est infirmier avant tout ».
Mais pour cette cadre infirmière, qui tient à son anonymat, le combat pour une meilleure rémunération est légitime. « On a des responsabilités importantes, fait-elle valoir. Il n’y a pas de médecin en salle de réveil, on est seul avec le patient. On ne veut pas être remplacé par des techniciens comme cela se fait dans d’autres pays européens ».
Les IADE ont à nouveau manifesté au pied du ministère de la Santé avant-hier. Des discussions sont en cours autour d’une prime spécifiquement attribuée aux IADE, visant à compenser la perte de revenus par rapport aux autres infirmiers (une conséquence du protocole Bachelot). Roselyne Bachelot rappelle qu’elle tiendra tous ses engagements, s’agissant notamment de cette prime. Mais certains syndicats infirmiers refusent la prime, et demandent une grille indiciaire plus favorable. Le dialogue de sourds devrait se poursuivre quelque temps encore.
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