Une semaine après le cri d'alarme lancé par six prix Nobel, et un gagnant de la médaille Fields, François Hollande renonce aux annulations de crédits de 134 millions d'euros prévues en 2016 sur le budget des organismes de recherche.
Le président de la République l'a annoncé en recevant à l'Élysée 5 signataires de la tribune du « Monde » : Serge Haroche (Nobel de physique), Françoise Barré-Sinoussi (médecine), Claude Cohen-Tannoudji (physique), Albert Fert (physique), Jean Jouzel (vice-président du Giec au moment où celui a reçu le Nobel de la Paix) et Cédric Villani (médaille Fields). La tribune était également signée de Jules Hoffmann (médecine) et Jean-Marie Lehn (chimie).
Annulation pure et simple
C'est Serge Haroche qui s'est chargé d'annoncer à la presse la décision de François Hollande, à l'issue de la rencontre.
Le président « nous a fait part du fait que le gouvernement attachait une grande importance à la recherche (..) et qu'il ne fallait pas donner un signal décourageant », a déclaré Serge Haroche, à l'issue de la rencontre.
Hollande a dit qu'« il fallait au contraire que l'État se préoccupe du maintien de la recherche à un niveau d'excellence, en particulier dans le cadre de la compétition internationale », a-t-il ajouté.
« Le chef de l'État a répondu sans ambiguïté à notre cri d'alarme », a déclaré à l'AFP Cédric Villani, lauréat de la Médaille Fields, la plus prestigieuse reconnaissance pour les mathématiques. Mais il ajoute : « Nous ne pouvions espérer mieux que cette annulation pure et simple ».
Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche qui a assisté a la rencontre a pour sa part affirmé : « Le président a réaffirmé aux prix Nobel que le budget de la recherche pour 2017 connaîtrait une hausse des moyens ».
Désaccord à l'Assemblée
Pour financer les différentes mesures nouvelles (plan emploi, agriculture, etc.) annoncées depuis janvier, le gouvernement avait préparé un décret prévoyant des économies budgétaires supplémentaires en 2016. La Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) était notamment appelée à subir 256 millions d'euros d'annulations de crédit dont 134 millions d'euros concernaient les subventions allouées aux organismes de recherche. Le CEA devait être mis à contribution à hauteur de 64 millions d'euros, le CNRS de 50 millions, l'INRIA (numérique) et l'INRA (agriculture) de 10 millions chacun.
La commission des Finances de l'Assemblée nationale avait elle aussi marqué son désaccord avec les coupes budgétaires prévues sur les fonds du CNRS et du CEA. Le rapporteur général, la socialiste Valérie Rabault, avait « recommandé » au gouvernement de renoncer à ces annulations de crédits.
L'ANR renforcée
À la suite de la décision d'aujourd'hui, les restrictions demandées à la MIRES seront donc limitées à 122 millions d'euros (annulation de crédits sur les programmes enseignement supérieur et vie étudiante notamment). Najat Vallaud-Belkacem a rappelé que les moyens de l'ANR (Agence nationale de la recherche) allaient être renforcés.
En outre, le troisième Programme d'investissements d'avenir (PIA 3), doté de 10 milliards d'euros, « réservera 5,8 milliards au soutien à l'enseignement supérieur, à la recherche et à l'innovation », a-t-elle redit.
Pour Cédric Villani, la mobilisation des Nobel « était nécessaire » pour éviter les coupes budgétaires. Mais « elle n'aurait pas pu aboutir si elle n'avait pas été relayée par l'opinion publique. Cela a été l'occasion pour celle-ci d'exprimer à nouveau son attachement à la recherche française », a-t-il estimé.
L'Académie nationale de médecine et l'Académie des sciences s'étaient joints à la contestation. « Le financement de la recherche n'est pas une variable d'ajustement », s'étaient-ils indignés.
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