UNE DISCIPLINE fragmentée, un accès aux soins insuffisant, des diagnostics encore trop tardifs, une recherche peu financée et une stigmatisation extrême... En France, les moyens mis en place dans le domaine de la psychiatrie sont largement insuffisants.
« Notre pays est l’un des seuls en Europe à ne pas avoir d’institut de recherche en psychiatrie. La recherche y est insuffisamment fédérée, peu financée par l’État et pas du tout par la générosité du grand public », regrette le Pr Marion Leboyer, directrice de FondaMental**, membre du Haut Conseil de la science et de la technologie
Autre fait préoccupant : les Français ont des représentations erronées des maladies mentales. C’est ce que révèle un sondage mené pour FondaMental*. Pour une grande partie des personnes interrogées, ces maladies sont synonymes de folie ou encore de violence. « 74 % des Français considèrent, par exemple, qu’un patient schizophrène est dangereux, alors que seulement 0, 2 % de ces derniers pourraient – en réalité – être dangereux pour les autres ; 70 % se plaignent d’un manque d’informations sur les maladies psychiatriques. Il est grand temps qu’un message précis, nouveau et moderne soit transmis à nos concitoyens », note le Pr Leboyer.
Fondation de coopération scientifique, FondaMentale a vu le jour en 2007 à la suite d’un appel d’offres du ministère de la Recherche pour les réseaux thématiques de recherche et de soins (RTRS). Elle a bénéficié d’une dotation initiale de l’État (4 millions d’euros) et de ses fondateurs (1 550 000 euros) : l’AP-HP, l’INSERM, le CEA, les universités Paris-Descartes, Pierre-et-Marie-Curie et Paris-Est Créteil.
Cette fondation de droit privé a quatre grandes missions : déployer une stratégie de prévention, de dépistage et de diagnostic des maladies psychiatriques ; fédérer un réseau national de chercheurs publics et privés ; mener des actions de formation des professionnels de santé et de sensibilisation du monde de l’entreprise au dépistage et à la connaissance des facteurs de risque des maladies mentales. Mais aussi communiquer sur ces pathologies auprès du grand public.
De nouvelles plate-formes.
Pour le moment, les travaux de FondaMental portent sur trois maladies : les troubles bipolaires, la schizophrénie et l’autisme de haut niveau (ou syndrome d’Asperger). « Nous souhaitons notamment déployer en France un dispositif innovant : celui des centres experts. Ces plate-formes de diagnostic et de recherche,construites autour d’équipes pluridisciplinaires, spécialisées par pathologie psychiatrique, ont vocation à être des structures régionales, mises en place au niveau national et européen, indique le Pr Leboyer.
Concrètement, les centres experts offrent au patient et aux acteurs du soin un bilan complet de la pathologie principale, des troubles associés (psychiatriques et somatiques), de l’efficience des traitements, du niveau cognitif et social. Ce bilan, structuré à l’aide d’un dossier informatisé partagé, est ensuite remis au patient et envoyé aux médecins les ayant adressés (généralistes, psychiatres publics et privés, spécialistes...). Ainsi, les centres experts ne se substituent pas aux structures de soins existantes. Mais ont vocation à mettre leur expertise à disposition de ces dernières et à favoriser le parcours de soins du patient.
Autre force des centres experts : ils permettent de structurer et d’accélérer la recherche en psychiatrie ; 80 % des équipes de recherche en psychiatrie (INSERM, CNRS, Pasteur ou universités) travaillent déjà avec ces centres. « Ce dispositif contribue aussi au suivi de cohorte, au partage d’outils communs et à l’insertion de la France dans la recherche européenne en psychiatrie. Nous sommes en train mettre en place un projet pour déployer un réseau européen de centres experts dédiés aux troubles bipolaires », souligne le Pr Leboyer.
En lien avec les universités, les centres experts constituent le support d’une formation de haut niveau des chefs de clinique assistants et des internes participant à l’évaluation de patients et aux projets de recherche en psychiatrie.
En 2009, 8 centres experts consacrés aux troubles bipolaires ont ouvert leurs portes en France. D’autres seront ouverts en 2010. « Nous souhaitons que ces centres deviennent pérennes. Nous devons obtenir des moyens dédiés sous l’égide des ARS – ce que nous n’avons pas pour le moment – afin de les déployer. Actuellement, nous nous sommes concentrés sur les troubles bipolaires, la schizophrénie et l’autisme de haut niveau. Mais nous envisageons d’ouvrir, dès que possible, des centres experts ciblant d’autres maladies mentales. Pour cela, nous aurons, bien sûr, besoin de budgets supplémentaires », conclut le Pr Leboyer.
* D’après une enquête Ipsos menée pour la fondation FondaMental,juin 2009.
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