LA RECHERCHE sur les réservoirs est une des grandes thématiques de l’année 2013. La description très particulière des « post-treatment controlers » dans la cohorte VISCONTI de l’ANRS, montrant que certains patients traités de manière prolongée dès la primo-infection peuvent ensuite contrôler l’infection en l’absence de traitement. On observe chez des sujets traités très tôt, dès la primo-infection avec ensuite un arrêt du traitement, qu’une petite fraction est apte à contrôler le virus, pendant un temps parfois de plusieurs années. Ces patients « post-treatment controlers » (PTC) ont été comparés aux « spontaneous controlers », qui contrôlent le virus sans traitement. Les contrôleurs spontanés sont plus rares (0,5 % à 1 %) et présentent des traits génétiques que l’on commence à identifier. Les PTC ont un réservoir de VIH bas mais contrairement aux spontaneous controlers qui ont la même particularité leur réservoir continue à baisser alors même que le traitement est arrêté. Aucun trait génétique ne ressort chez les PTC.
Un certain nombre des PTC ont une réponse immunitaire très particulière, différente de celle des VIH-controlers. En France, une série de 15 sujets adultes PTC sont suivis dans la cohorte ANRS-VISCONTI. Cette cohorte est en train d’être élargie à l’échelle internationale. « Un grand nombre de recherches sont réalisées sur ces phénomènes, pour décrypter les mécanismes sous-jacents qui restent encore inconnus. On cherche à savoir si ce phénomène peut être élargi à d’autres patients, ce qui est possible dans la mesure où il est lié au traitement très précoce », commente le Pr Delfraissy. « C’est un espoir sur la voie de l’éradication, qui est un des points clef de la lutte contre le VIH. » L’exemple du « Mississipi baby » décrit également cette année, est une autre observation du phénomène de contrôle du VIH dans le cadre de la transmission mère-enfant.
Dépister et traiter.
Ces cas, même rares, représentent un argument essentiel pour traiter une primo-infection dès que possible.
Des recommandations des experts (dirigés par le Pr Philippe Morlat) élaborées pour la première fois cette année sous l’égide de l’ANRS et du Conseil national du sida (CNS), mettent l’accent sur le traitement précoce : « Il faut traiter tout le monde, quel que soit le taux des CD4. La conduite à tenir tient en peu de mots : On dépiste et on traite », souligne le spécialiste. Le dépistage demeure un point essentiel, même si la France est le pays où l’on dépiste le plus, en raison de l’« épidémie silencieuse » : 25 000 à 30 000 personnes ignorent leur séropositivité.
L’année est marquée aussi « par des progrès dans les sciences fondamentales. On continue à découvrir comment le virus se réplique. Les facteurs dits de restriction interviennent, en jouant sur l’état de multiplication ou de latence (facteur SAMDH1, travaux sous la direction de Moncef Benkirane à Montpellier) ». Ils vont permettre d’avoir de meilleures cibles pour inhiber le VIH.
« S’il existe un jour une solution de guérison ou de rémission, cela concernera en premier les gens qui ont été traités tôt. En d’autres termes, il ne faut pas laisser faire le virus, qui se multiplie chaque jour entre 1 à 10 milliards de copies par jour. Se dépister, c’est se donner une chance d’empêcher le virus de grignoter son organisme. L’universalité du traitement doit être la règle pour tous. C’est la piste essentielle, dont nous disposons pour faire reculer petit à petit l’épidémie. Les traitements sont en mesure encore d’évoluer vers une plus grande simplification. »
« Face au constat des 6 000 à 8 000 nouvelles contaminations par an en France, comment faire baisser efficacement la transmission du VIH ? Le groupe d’experts a réagi par des recommandations importantes. La première est d’élargir le dépistage pour récupérer les 30 000 personnes ignorant leur diagnostic. Pour ce faire, de nouvelles modalités de dépistage sont proposées : autotests, tests rapides, révision de l’anonymat systématique dans les CDAG. La seconde est de traiter dès le diagnostic de séropositivité, ce qui présente de multiples avantages : réintégrer dans la filière de soins les 10 000 sujets séropositifs connus sans suivi médical, maximiser les bénéfices thérapeutiques à l’échelon individuel et limiter la transmission à l’échelon collectif. Ce dernier argument qui a été décisif correspond au concept anglo-saxon de TasP (en anglais de Treatment as Prevention). Ce d’autant que l’on dispose d’antirétroviraux mieux tolérés et plus simples à prendre. Autre volet majeur, l’infection VIH étant désormais une maladie chronique, le suivi doit être mieux partagé entre l’hôpital et la médecine libérale. La séropositivité ne doit pas être "l’arbre qui cache la forêt" et le suivi au long cours ne doit pas reposer que sur les spécialistes du VIH. »
« La décision de commercialiser les autotests VIH par la ministre de la santé est un grand pas. Le Conseil National du Sida qui a beaucoup travaillé sur le projet s’en réjouit. Certes, cela ne va pas forcément de soi, mais c’est une occasion à ne pas louper pour améliorer le dépistage en complément du reste. Car c’est une réalité, le dépistage piétine au moins quantitativement. On constate toujours de nouvelles infections et certaines populations restent très exposées comme la population homosexuelle masculine avec une incidence de l’ordre de 1 %. Et quand le dépistage piétine, la prévention piétine par voie de conséquence. Une situation qui a conduit le groupe d’experts français à recommander, pour la première fois, de traiter toutes les infections, quel que soit le statut viral. Cette décision va bien au-delà de l’intérêt individuel, c’est une démarche de prévention d’intérêt collectif. »
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