LE POTENTIEL thérapeutique des cellules souches fait rêver, un peu trop parfois. Misant sur ces rêves et sur le désespoir de patients qui souffrent de pathologies graves, souvent incurables, des cliniques s’ouvrent aux quatre coins du monde, proposant des miracles à base de cellules souches à tous ceux qui sont prêts à voyager loin et à payer très chers. Ce que ces établissements oublient généralement de préciser, c’est que les traitements en question sont totalement expérimentaux : leur efficacité n’a jamais été prouvée et leur innocuité reste à démontrer.
Développement responsable.
Dans ce contexte, la Société internationale pour la recherche sur les cellules souches (International Society for Stem Cell Research, ISSCR) vient de lancer un appel aux instances réglementaires nationales et internationales. « Les législateurs ont la responsabilité de prévenir l’exploitation des patients dans leur juridiction et, lorsque cela est nécessaire, de fermer les cliniques frauduleuses et de prendre des mesures à l’encontre des médecins impliqués », résume Georges Daley, ancien président de l’ISSCR. Ce chercheur américain, très impliqué dans la recherche sur les cellules souches, et plusieurs dizaines d’autres scientifiques internationaux ont publié la semaine dernière un ensemble de recommandations visant au « développement responsable de thérapies utilisant des cellules souches, sûres et efficaces pour les patients »*.
L’appel de l’ISSCR fait notamment suite aux résultats d’une étude conduite par une équipe de chercheurs canadiens**. Thimothy Caulfield et ses collaborateurs de l’université d’Alberta se sont intéressés au marché des traitements expérimentaux utilisant les cellules souches. Pour ce faire, ils ont procédé comme le ferait un patient ou l’un de ses proches : en cherchant sur Internet, grâce au moteur de recherches Google. Les chercheurs ont ainsi identifié 19 sites correspondant à 19 établissements offrant des traitements à base de cellules souches.
Ces établissements se trouvent principalement en Chine, en Inde, dans des pays d’Europe de l’Est, d’Amérique Latine ou dans diverses nations des Caraïbes. Dans la majorité des cas, le traitement proposé consiste en une injection de cellules souches autologues obtenues à partir de la moelle osseuse et du sang des patients. Ces injections sont censées traiter des pathologies très diverses : cécité congénitale, paralysie, sclérose latérale amyotrophique, insuffisance cardiaque, cancer, sida… Certaines cliniques offrent même leurs services à des personnes en parfaite santé en leur proposant des traitements cosmétiques rajeunissant ou des traitements systémiques « revivifiants ». Mais, curieusement, rares sont celles qui proposent des interventions pourtant validées par de multiples essais cliniques, telles que la greffe de cellules souches hématopoïétiques dans le traitement de certaines leucémies ou celle de cellules souches épithéliales chez le grand brûlé.
Aucune donnée scientifique sérieuse relative à l’efficacité et à la sécurité des traitements proposés n’est disponible, ni sur les sites, ni dans la littérature scientifique. Les cliniques n’indiquent pourtant jamais clairement qu’elles proposent des protocoles totalement expérimentaux. Et dans les trois quarts des cas, il n’est jamais fait allusion aux risques qui leur sont associés.
L’ISSCR espère voir ces pratiques disparaître rapidement, avec l’aide des autorités réglementaires, qu’elle est toute prête à épauler.
* Disponibles www.isscr.org/clinical_trans.
** D. Lau et coll., « Cell Stem Cell », décembre 2008, pp. 591-594.
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