Son nom n'est pas cité une seule fois dans le rapport. Mais difficile de ne pas penser, entre les lignes, au Pr Didier Raoult et à l'IHU Marseille Infections dans les observations du rapport d'information de deux sénateurs républicains sur les IHU, présenté la semaine dernière en commission des finances. Peu connus du public avant la pandémie de Covid, les instituts hospitalo-universitaires sont nés de la volonté de Nicolas Sarkozy en 2009 - et de sa ministre de la Recherche d’alors Valérie Pécresse - de créer des « supers CHU ». Le but affiché à l’époque : « Dynamiser la recherche partenariale dans le secteur de la santé » et « retenir les meilleurs talents internationaux », selon le rapport qu'avait rédigé le Pr Jacques Marescaux, devenu entre-temps directeur de l’IHU de Strasbourg, dédié à la chirurgie mini-invasive.
Treize ans plus tard - et près de 400 millions d’euros alloués - sept IHU ont vu le jour, dont l’Institut Méditerranée infection, dirigé par le Pr Didier Raoult ou l’institut Imagine, dédiée aux maladies génétiques, initialement conduit par le Pr Alain Fischer. Mené par les sénateurs républicains Jean-François Rapin, médecin généraliste, et Thierry Meignen, chef d'entreprise, le rapport pointe aujourd'hui un « modèle à conforter », à quelques conditions.
Répondre aux carences
En termes de projet de recherche, le Sénat souligne un bilan « extrêmement positif » pour les IHU, que ce soit « le nombre de projets de recherche translationnelle, le nombre d’articles publiés ou encore à l’impact de ces publications ». Le label « IHU » et son financement associé « ont considérablement renforcé la visibilité de ces structures, leur permettant de recruter les meilleurs talents internationaux et de mobiliser plus efficacement diverses sources de financement », souligne le Sénat, qui rappelle que le modèle économique des instituts repose principalement sur des créations de start-up et des dépôts de brevet.
Un constat d’autant plus positif que la recherche biomédicale pâtit depuis une dizaine d’années de crédits publics en chute libre et d’un sous-investissement massif. À titre d’exemple, entre 2009 et 2021, le budget consacré par la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » à la recherche biomédicale a chuté de 21 %. « Cette tendance s’est par ailleurs accentuée sur la période récente, puisqu’entre 2015 et 2018, la dépense publique de recherche en santé a diminué de 15,7 % en France », déplorent les sénateurs. Des chiffres à contre-courant de nos voisins européens. Selon l’OCDE, entre 2012 et 2018 l’Angleterre et l’Allemagne ont augmenté de 37 % leurs crédits dédiés à la recherche biomédicale.
« In fine, la création des IHU a permis de répondre efficacement à des carences bien identifiées », concède le Sénat. La dotation de l’État pour les IHU était initialement prévue jusqu’à la fin de l’année 2019, mais a été prolongée jusqu’en décembre 2024. Avec 72 millions d’euros de crédits versés entre 2011 et 2019, l’IHU marseillais est celui qui a reçu le plus de financement, juste derrière Strasbourg (67 millions de dotation) et l’institut Imagine (64 millions).
Financements pérennes
Initialement, le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait imaginé un financement non pérenne pour les IHU, espérant qu’ils génèrent à terme « des recettes substantielles par le biais de leurs activités de valorisation, leur permettant de s’autofinancer », rappellent les sénateurs républicains. « Or, après plusieurs années de fonctionnement, force est de constater que ce postulat se révèle assez éloigné de la réalité », déplorent-ils, citant des contrats industriels qui ne permettent « pas de générer des revenus réguliers » ou des dépôts de brevets « rarement lucratifs ».
Désormais, les sénateurs souhaitent que les IHU puissent aboutir à un modèle économique abouti et plaident même pour clarifier des objectifs financiers chiffrés. Ils souhaitent d'ailleurs, « à compter de 2024, continuer à octroyer des moyens récurrents aux IHU ».
« Personnalités scientifiques charismatiques »
Au-delà de militer pour un modèle économique pérenne pour les IHU, les sénateurs préconisent également de revoir la gouvernance des instituts. L’argument : « Les IHU ont été portés par des personnalités scientifiques charismatiques et restent très étroitement identifiés à leur fondateur. » Ce contexte ne permettrait pas, selon les rapporteurs, de garantir la pérennité des instituts. Ils plaident ainsi pour la mise en place, « dans chaque structure, d’une procédure normalisée de renouvellement des dirigeants ».
Au sein des équipes de recherches, les parlementaires regrettent par ailleurs « une proportion très élevée de personnels recrutés en contrats à durée déterminée », et invite à une politique d’emploi plus soutenable. Plus globalement, et alors que chaque IHU est associé à un établissement hospitalier, le rapport note que « la collaboration opérationnelle entre les IHU et les CHU demeure souvent malaisée et peu propice au développement d’actions synergiques ». Pour diffuser davantage les innovations au service des patients, il demande alors une implication de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) dans le pilotage des IHU.
Quoi qu’il en soit, les IHU - encore controversés au sein d’une partie du monde de la recherche - « n’ont pas vocation à devenir le modèle prédominant d’organisation de la recherche biomédicale en France », concède le Sénat. En juillet dernier, 300 millions d’euros d’appel à projet ont été lancés par le gouvernement pour financer six nouveaux IHU en France.
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