Prophylaxie pré-exposition dans le VIH en France

Les discussions autour de la RTU pour le Truvada à la demande s’éternisent

Publié le 14/09/2015
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Oubliés les résultats décevants des essais VOICE, IpreX ou Capris, les bons résultats des essais randomisés PROUD et IPERGAY ont confirmé que l’utilisation du Truvada (ténofovir + emtricitabine, Gilead) dans le cadre d’une prophylaxie pré-exposition (PrEP) des infections à VIH chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) était pertinente.

Il y a eu changement d’attitude dans la communauté gay vis-à-vis de la PrEP », explique le Pr Sheena McCormack, professeur d’épidémiologie clinique à l’Imperial College de Londres. Pour le Pr McCormack, comme pour le Pr Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis, qui dirige l’essai randomisé Ipergay en France, il est plus que temps d’intégrer la PrEP à l’arsenal des méthodes de prévention des infections par le VIH.

Un processus « un peu lent »

« La question n’est plus de savoir si la PrEP est sûre ou efficace, mais de savoir quand est ce qu’elle sera enfin disponible, estime le Pr Molina, cela devient déraisonnable sur un plan scientifique et de santé publique d’attendre d’avantage ». Depuis le 26 janvier dernier, un comité scientifique temporaire a été mis en place par l’Agence nationale des produits de santé (ANSM) pour discuter d’une future recommandation temporaire d’utilisation du Truvada dans le cadre de la PrEP. Lors de leurs deux premières réunions, le comité a considéré « à l’unanimité » que le rapport bénéfice/risque de Truvada dans la PrEP « chez les HSH adultes à risque élevé d’acquisition du VIH par voie sexuelle était favorable ».

Le comité précise cependant, que la PrEP doit rester « une modalité complémentaire de prévention de l’infection à VIH qui doit entrer dans l’offre globale de prévention » dans laquelle le préservatif doit rester un élément central. Une nouvelle réunion a eu lieu en juin pour discuter des modalités d’encadrement et de suivi des personnes à traiter dans le cadre de la RTU. Les premiers avis du comité soulignent par ailleurs « l’intérêt d’une prise à la demande, en termes d’adhérence et de tolérance », par rapport à la prise en continu.

Le Pr Molina ne peut s’empêcher de trouver le processus « un peu lent : les résultats datent d’octobre 2014, et ont été présentés à la CROI. C’est un progrès important, et je comprends mal pourquoi cela prend autant de temps. La situation devient intenable ». La problématique du coût d’une telle stratégie a souvent été évoquée, un flacon 30 comprimés de Truvada coûtant 500 euros. « C’est un problème secondaire, poursuit le Pr Molina, si l’on prend en compte les coûts évités à chaque contamination évitée, le rapport coût-efficacité d’une PrEP à la demande devient dérisoire. » Pour le Pr Molina, comme pour le Pr McCormack, une nouvelle négociation avec le laboratoire Gilead pourrait être la clé d’une extension des indications de son médicament.

Les lignes bougent en Angleterre

Au Royaume-Uni, des recommandations sont également sur les rails, selon le Pr McCormack, avec la publication « très prochaine » d’un papier de position tenant lieu de « prérecommandations ». Les recommandations anglaises proposeront aussi une PrEP à la demande. Le Pr McCormack avoue avoir été « très impressionnée par les résultats d’Ipergay » qui expérimentait une PrEP à la demande, au contraire de PROUD qui proposait une PrEP systématique.

Aux États-Unis, la FDA a autorisé l’utilisation du Truvada dans le cadre d’un traitement préventif en continu. Des programmes ont déjà débuté à New York et à San Francisco ou un tiers de la population cible de HSH ayant un comportement à risque participe au programme.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9432