IL NE S’AGIT pas de fiction et pourtant le récit de ces grandes découvertes médicales est captivant. Chercheurs aussi scrupuleux en histoire de la médecine qu’en médecine tout court, Patrick Berche, professeur de microbiologie et spécialiste du terrorisme biologique, et Jean-Jacques Lefrère, professeur d’hématologie et biographe de Rimbaud savent combiner le détail scientifique à l’anecdote historique. Façon de déplorer, en creux, que les drames sanitaires et les scandales voire les escroqueries médicales marquent les esprits souvent plus durablement que les succès qui ont pourtant changé nos vies ! Même quand ils ont fait la une de tous les journaux pendant quelques jours : l’extraordinaire aventure de la première greffe de la face dont a bénéficié Isabelle Dinoire en 2005 est de ceux-là. Le livre s’ouvre sur la prouesse réalisée par l’équipe du Pr Duvauchelle d’Amiens. Les étapes franchies par chacun des participants à cet exploit collectif sont rapportées avec suffisamment de détails pour tenir le lecteur en haleine et assez d’esprit de synthèse pour faire comprendre les enjeux de cette entreprise pionnière. Seize greffes du visage ont été réalisées jusqu’à aujourd’hui dans le monde dont sept par le français Laurent Lantiéri.
Patience et opiniâtreté.
D’autres réussites plus anciennes nous paraissent aujourd’hui plus banales et comme allant d’elles-mêmes. Elles sont pourtant presque constamment le fruit d’efforts, d’errements et de difficultés. En témoignent, entre autres exemples évoqués par P. Berche et J. J. Lefrère, la découverte du traitement de la syphilis et l’identification du germe rapporté d’Amérique par les expéditions de Christophe Colomb. Même si l’italien Girolamo Fracastor, médecin à Vérone, fait la preuve vers 1543, avec son fameux poème pastoral en trois livres (Syphilis Sive Morbus Gallicus) d’une vision étonnamment prémonitoire de la connaissance de ces germes alors invisibles mais pourtant responsables de millions de morts, il faudra attendre 400 ans pour que la pénicilline en vienne à bout. Entre-temps, pour traiter cette maladie vénérienne qui concerne vers 1900 près de 16 % de la population parisienne et 10 % de la population française autour des années 1920, de nombreuses initiatives seront tentées dont certaines feraient aujourd’hui frémir les comités d’éthique et scandaliseraient les citoyens. Citons le français Joseph-Alexandre Auzias -Turenne qui vantera, au début du XIXe siècle, les mérites d’une « inoculation » progressive de pus de malades syphilitiques, processus qu’il qualifie de « syphilisation », tandis que d’autres proposeront le mercure, l’arsenic (l’allemand Paul Ehrlich qui aura le prix Nobel pour ses travaux sur le Salvarsan), ou encore le paludisme (Wagner-Jauregg, neurologue autrichien qui obtiendra lui aussi le prix Nobel en1927).
Acharnement thérapeutique.
Tous ces chercheurs font en tout cas preuve, sinon de patience, au moins d’opiniâtreté, d’endurance, de curiosité et de capacité à remettre en question les dogmes et certitudes. Qu’il s’agisse du long parcours vers la création de solutions de réhydratation, de la précision des indications de la sismothérapie ou des premières thérapies géniques chez les enfants bulles. « Le plus grand obstacle à la connaissance n’est pas l’ignorance ; c’est l’illusion de la connaissance », écrit l’historien Daniel Boorstin cité par les auteurs. La saga de la physiopathologie de l’ulcère gastrique et la découverte de la responsabilité d’helicobacter pylori (HP) en est une bonne illustration. L’Australien Robin Warren à qui l’on doit cette réussite grâce à sa fine observation de prélèvements de la muqueuse d’un patient atteint de gastrite aura à avaler nombre de couleuvres pour que sa sagacité soit reconnue. Et pas seulement des couleuvres puisque ce chercheur obstiné ira jusqu’à ingurgiter un bouillon de culture contenant l’HP pour démontrer la justesse de ses intuitions !
Pr Patrick Berche, Pr Jean-Jacques Lefrère, Quand la médecine gagne, Flammarion Document, 338 pages, 21 euros.
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