Troubles psychotiques

Une grande étude européenne est lancée

Publié le 10/09/2010
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ON ESTIME que près de 2 à 3 % des jeunes adultes et adolescents développeront des troubles psychotiques qui évolueront vers la chronicité, les contraignant à suivre à vie des traitements. Le retentissement sociétal est important, tant d’un point de vue financier que sur les proches du malade. C’est un « challenge majeur » pour les chercheurs. Les troubles sont en effet très variables d’un patient à l’autre et au cours de la vie. Nombreux sont les malades qui ignorent leur état, ne sont donc pas soignés, ne participent pas aux recherches et ne profitent pas des innovations thérapeutiques. A cela s’ajoute que les troubles psychotiques demeurent un « symbole de folie » et font l’objet d’une importante stigmatisation. Malgré le pourcentage important des sujets affectés par ces pathologies, ce n’est pas une priorité de santé publique. Le jeune âge des patients, la prise en charge à vie des traitements le justifieraient pourtant.

En Europe, des études épidémiologiques essentiellement réalisées dans les pays anglo-saxons et nordiques laissent à penser que la fréquence des troubles psychotiques, notamment chez les enfants et adolescents, varie de manière substantielle sous l’influence de facteurs environnementaux. Si les mécanismes mis en jeu sont inconnus, il est reconnu que plusieurs de ces facteurs augmentent le risque d’apparition de la maladie : l’urbanicité (25 % des cas de schizophrénie y sont liés d’après une étude danoise) ; l’usage du cannabis, en particulier à hautes doses, chez les adolescents ; les traumatismes psychologiques (maltraitance, négligence) pendant l’enfance ; la migration (les populations de migrants et leur descendance arrivant en Europe ont un risque de développer une schizophrénie plus élevé que leur population d’origine et que les populations d’accueil). Et encore les traumatismes crâniens, les infections maternelles pendant la grossesse, les complications obstétricales, l’âge du père (supérieur à 35 ans).

Des facteurs génétiques sont aussi probablement en cause, mais, jusqu’à présent, aucune recherche n’a permis l’identification de variants génétiques dans la génèse de ces pathologies. L’hypothèse d’interactions des facteurs environnementaux et d’une vulnérabilité génétique est souvent retenue. Certains individus auraient une sensibilité accrue aux facteurs environnementaux.

7 500 patients.

Plusieurs études épidémiologiques sont en cours. En Europe, avec le 7e programme-cadre de la communauté et le projet EU-GEI, qui réunit des chercheurs, des cliniciens issus de la quasi-totalité des pays européens, une grande étude collaborative sur la recherche des facteurs génétiques et environnementaux des troubles psychotiques a été lancée en mai. Plus de 7 500 patients et leurs familles y participeront. En France, cette étude, mise en place sous l’égide de la Fondation FondaMental, porte sur deux populations, une rurale (Puy-de-Dôme), l’autre urbaine (Val-de-Marne). L’impact des facteurs environnementaux sur le risque de troubles psychotiques sera mesuré pour la première fois en France et comparé à des données de Grande-Bretagne, des Pays-Bas, d’Italie et d’Espagne. Une autre étude réalisée par FondaMental, auprès des mêmes populations, doit permettra de mesurer « la prévalence de la schizophrénie et d’étudier le rôle des variables environnementales en tant que facteurs modificateurs ».

Dr MARTINE DURON-ALIROL
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Source : Le Quotidien du Médecin: 8812