À la veille de la 19e conférence internationale sur le sida qui se tient à Washington du 22 au 27 juillet, les experts internationaux à la pointe du combat contre la pandémie ont dévoilé une stratégie commune visant à guérir l’infection : « Towards an HIV Cure ». Ce projet pourrait aboutir, dans un laps de temps compris entre 5 à 10 ans environ, à obtenir une guérison « fonctionnelle », si ce n’est virologique. « Il ne faut pas donner de faux espoirs aux patients qui sont actuellement traités », a prévenu toutefois le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), lors d’une conférence de presse organisée hier à Paris. « Il s’agit d’une recherche à risque qui n’aura peut-être aucune conséquence pratique pour les patients », insiste-t-il en rappelant qu’actuellement, la meilleure voie reste de « dépister et traiter le plus vite possible ».
Une impossible chronicité
L’idée de ce consortium international, l’Association internationale du sida (IAS), élaboré au cours des deux dernières années, revient au Pr Françoise Barré-Sinoussi (Nobel de médecine 2008 pour la co-découverte du VIH) qui en prendra d’ailleurs la présidence. « Cette stratégie résulte d’un effort de collaboration entre 34 chercheurs qui a débouché sur une feuille de route pour faire avancer la recherche », indiquait la chercheuse lors d’un point presse simultané à Washington. « Il s’agit moins d’une compétition que d’une addition des forces internationales », commente le Pr Delfraissy.
Aujourd’hui, plus de 8 millions de personnes contaminées bénéficient d’antirétroviraux (ARV), un nombre record en hausse de 20 % sur 2010, selon un rapport de l’Onusida publié ce mercredi. Mais il reste que, d’une part, l’accès aux ARV n’est pas universel et que, d’autre part, les ARV ont des effets secondaires, demandent une adhérence au traitement et représentent un coût très important. « C’est une maladie infectieuse qui ne peut pas être chronique », martèle le Pr Delfraissy.
La cohorte VISCONTI
Si l’éradication de la maladie semble « très difficile à atteindre », les chercheurs retiennent la piste de la guérison fonctionnelle, c’est-à-dire du contrôle du virus par le système immunitaire comme dans le cas de la varicelle ou du virus Epstein-Barr. Cet espoir s’appuie sur de nouvelles avancées scientifiques. Il y a d’un côté le cas de l’Américain Timothy Brown, dit « le patient de Berlin », seul connu au monde à avoir guéri du sida à la suite d’une greffe de moelle osseuse. Mais il y a aussi « des patients qui sont dans la situation de vivre bien avec le virus sans traitement », indique le Dr Monsef Benkirane (laboratoire de virologie moléculaire du CNRS, Montpellier) en citant les 15 patients de la cohorte VISCONTI (« Viro-Immunological Studies in CONtrollers after Treatment Interruption », ANRS, 2008). Ces patients ont reçu des traitements dès la primo-infection (dans les 8 à 10 jours) et les ont stoppés après 2,8 ans. Plusieurs années après cet arrêt, la charge virale reste indécelable et le niveau de T4 élevé. « Il nous faut notamment identifier les cellules réservoirs, comprendre pourquoi le virus est dormant dans ces cellules, l’origine de l’activation immunitaire », poursuit le Dr Benkirane.
Aussi ambitieuse soit-elle, cette recherche sur le système immunitaire comprend des aspects éthiques très importants car « les patients vont rentrer dans une recherche dure, un essai physiopathogénique, alors qu’ils vont bien », souligne le Pr Delfraissy ajoutant que ces problèmes éthiques feront l’objet d’une réflexion avec les associations de patients dès l’automne prochain.
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