POUR ANTOINE GUEDENEY, l’évolution actuelle confirme « la nécessité de l’expertise sur le trouble des conduites et, largement, de ses conclusions ». « Les troubles du comportement existent et constituent une entité médicale et psychopathologique », insiste le pédopsychiatre. « Ce n’est pas parce qu’une partie de la définition de ces troubles utilise des critères sociaux que ce sont des troubles d’origine purement sociale. Il ne s’agit ni d’un jugement social ni d’un jugement sur les parents mais il y a des enfants violents. Et ils le sont de plus en plus tôt. »
Le praticien regrette les réactions de déni qui s’opposent à la reconnaissance de ces troubles, reflet, selon lui, d’une psychologisation et d’une bien-pensance « très françaises ». « En France, on a du mal à penser qu’il existe des troubles mentaux précoces en dehors des troubles de la relation. Même si les troubles de la relation sont un facteur majeur de psychopathologie, il n’y a pas que ça. La psychopathologie est une séquence et un enchaînement mystérieux de facteurs complexes. Il y a toujours une association entre les facteurs génétiques, les facteurs d’environnement, les tempéraments personnels et les événements ».
Un signal d’alarme.
La polémique suscitée par le rapport, qui a motivé la pétition « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » a eu le mérite d’instaurer un débat, retient Antoine Guedeney. « Si les troubles du comportement, en particulier l’agressivité précoce, ne sont pas toujours une maladie mentale, ils constituent un signal d’alarme précoce montrant que quelque chose ne va pas. Il ne faut pas les banaliser. Le rapport, qui faisait la revue de la littérature scientifique et médicale, a notamment montré que les vrais troubles du comportement des adolescents ne commencent jamais à l’adolescence : ils ont toujours été précédés par des difficultés croissantes à partir de 3-4 ans. »
Avec le recul, estime-t-il, « on s’aperçoit que notre rapport était bon et honnête mais que la synthèse était catastrophique. Or, il n’y a pas une personne sur 100 qui a lu le rapport. » Selon lui, cette synthèse n’aurait, en particulier, pas dû commencer par aborder le domaine de la génétique. « Ce n’était pas le plus important : on sait maintenant – et c’était pressenti à l’époque – qu’il y a des facteurs épigénétiques : l’expression du matériel génétique est modifié par l’environnement. Il ne fallait pas non plus parler de médicaments, car on ne les emploie que de façon marginale chez les très jeunes enfants. Et surtout, il aurait fallu être plus attentif à la crainte de stigmatisation lié au dépistage. Notre raisonnement était probabiliste : un facteur de risque n’est pas un destin. Nous n’avons jamais prétendu avoir une capacité prédictive contrairement à ce que "Zéro de conduite" a voulu faire croire. Nous n’avons jamais dit que les enfants qui restaient colériques après 4 ans allaient tous devenir délinquants ! Si prédiction il y a, elle vaut pour les troubles du comportement, pas pour la délinquance. » La délinquance est un phénomène social et non pas psychopathologique, reprend le pédopsychiatre, « bien qu’elle entre en jeu dans un diagnostic de trouble du comportement avéré ».
Le rôle de l’école.
Et l’école ? Elle reste un « lieu de prévention important par l’expression émotionnelle qu’elle favorise, grâce à l’établissement d’un attachement pour la maîtresse ou le maître », indique-t-il, en soulignant qu’un certain nombre d’enfants étaient et sont vus par l’équipe soignante via cette médiation. « L’école maternelle a un rôle de socialisation et d’épanouissement affectif qui permet le contrôle de soi. Elle est le lieu où on apprend à être heureux en groupe. C’est important de favoriser cela : c’est une vraie égalité des chances. » Antoine Guedeney n’est pas favorable à une maternelle trop précoce. Selon lui, cette possibilité devrait toutefois rester ouverte pour les enfants de milieux défavorisés. « Il faut que l’école reste familiale. Elle ne doit pas être normative et devrait permettre aux enfants à aller chacun à leur vitesse. Il s’agit d’un problème social, mais pas seulement. »
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