LA MALTRAITANCE financière exercée à l’encontre des personnes âgées reste un phénomène encore sous-estimé dans notre pays et surtout mal connu, faute de statistiques officielles. Vols, escroqueries, abus de faiblesse, pressions sectaires… Les manifestations de maltraitance financière sont variées et ne touchent pas uniquement les personnes résidant à leur domicile. Ce type de maltraitance s’observe également au sein des établissements accueillant des personnes âgées, constate un nouveau rapport* remis mercredi au Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye par une « mission sur la maltraitance financière à l’égard des personnes âgées dans les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux ». L’objet de ce rapport préviennent en préambule les auteurs, n’est pas de « stigmatiser les établissements » mais plutôt de « mettre à profit la grande expérience des professionnels qui y travaillent pour mieux cerner et traiter les ressorts de cette maltraitance ». Certains abus à caractère financier demeurent toutefois propres aux établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. En particulier, les vols d’argent et d’effets personnels, aujourd’hui « largement banalisés dans de nombreuses institutions où sont hébergées les personnes âgées ». Cette maltraitance financière à l’encontre des personnes âgées en établissements « provient majoritairement de la prolongation de pratiques intrafamiliales abusives commencées au domicile et dont un proche est le responsable ». Phénomène « discret et pernicieux », cette forme de maltraitance doit être mieux détectée, estime la mission. Les professionnels exerçant en institutions d’accueil de personnes âgées restent toutefois insuffisamment sensibilisés sur la question. « Or, la victime, fréquemment très attachée, sur un plan affectif, à l’auteur de la maltraitance, est rarement portée à se plaindre par peur de compromettre sa relation avec lui », note le rapport. Pour prévenir ce genre de situation, la mission recommande « la réalisation systématique d’un inventaire contradictoire sauvegardé des biens à l’entrée en institution, régulièrement actualisé ». Elle plaide aussi pour l’élaboration d’un « code de déontologie multiprofessionnel de la personne protégée » et « la fin de l’immunité pénale en cas de vol dont jouissent les ascendants ».
Mieux connaître la loi
Au-delà des établissements d’accueil de personnes âgées, la mission préconise plus généralement d’instaurer un « audit préventif personnel, familial et patrimonial » destiné à mesurer le degré de vulnérabilité individuelle par le biais d’une expertise personnalisée et pluridisciplinaire (besoins médicaux, ménagers, d’aide sociale, examen des relais possible dans l’entourage de la personne, état des lieux patrimonial, juridique, fiscal…). Le déclenchement de cet audit serait lié à un moment de « rupture » existentielle (déménagement, changement contraint d’institution, perte du conjoint, chutes à répétition, surendettement, attribution de l’aide personnalisée à l’autonomie…), voire au moment de la retraite. « Cet audit serait aussi l’occasion de désigner par avance la personne de confiance et de réfléchir à celle qui sera mandatée (personne de l’entourage familial et social, professionnel de l’accompagnement) pour le cas où le besoin s’en ferait sentir », ajoute la mission.
Ce rapport souligne par ailleurs la grande méconnaissance de la législation en vigueur concernant la protection des majeurs vulnérables. Grand public et professionnels concernés (médecins agréés, directeurs d’établissements sociaux et médico-sociaux, assistantes sociales, mandataires, notaires, avocats, magistrats…) ignorent en effet le plus souvent les récentes mesures en ce sens contenues dans la loi du 5 mars 2007 « portant réforme de la protection juridique des majeurs » (entrée en vigueur le 1er janvier 2009), ce qui constitue « l’un des principaux obstacles à la lutte contre la maltraitance financière ». À ce titre, la mission recommande le lancement d’un « plan de formation initiale et continue avec l’appui des juges, pour l’ensemble des professionnels concernés ». Le rapport propose enfin plusieurs mesures juridiques destinées à faciliter l’application effective de cette législation.
*Alain Koskas, Véronique Desjardins, Jean-Pierre Médioni, « La maltraitance financière à l’égard des personnes âgées dans les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux », 2011. Ce rapport est téléchargeable sur le site du Médiateur de la République : www.mediateur-republique.fr
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