LE 30 AVRIL 2008, à l’Université du Kansas, le général d’aviation Michaël V. Hayden et actuel directeur de la CIA, tenait un discours dans lequel il présentait la démographie mondiale comme la plus grande menace à venir pour l’équilibre de la planète. Selon lui, et s’appuyant sur des études statistiques réalisées par son Agence et l’ONU, l’augmentation de 45 à 50 % de la population mondiale d’ici à 2 050 qui atteindra à cette date 9 milliards d’individus, constitue un facteur de déstabilisation sans précédent pour l’Humanité. Son analyse qui pointe un triplement de la population dans certains pays considérés comme politiquement instables comme le Congo, le Niger ou l’Afghanistan, conjugué à une chute des naissances dans les pays du vieux continent européen, est représentative des questionnements que ce sujet ne cesse d’inspirer. Qu’il s’agisse de menaces géopolitiques comme les redoute le patron des services secrets états-uniens ou de fortes inquiétudes écologiques, le nombre d’individus que nous serons bientôt sur terre et sa répartition ne laisse désormais plus indifférents. Ce phénomène n’est pourtant que très récent.
Le grand bond démographique contemporain.
Même s’il est toujours compliqué d’estimer historiquement, de manière la plus juste possible, le nombre d’habitants vivants sur terre à un moment donné, des chiffres existent pourtant qui permettent de se donner un ordre d’idée. Ainsi, 10 000 ans av. J.-C., les humains présents sur le globe ne dépassaient certainement pas les 10 millions d’habitants. Cinq mille ans plus tard, ils n’avaient que probablement doublé. En l’an 1000, les estimations avancent le chiffre de 300 millions d’habitants. Globalement, on observe donc que la population mondiale a eu une faible croissance durant des milliers d’années. À la fin de l’époque Moderne, cette augmentation s’est accélérée, faisant passer le nombre de personnes vivant sur Terre d'environ 650 millions en 1750, à plus de 1,2 milliard un siècle plus tard et plus de 2,5 milliards en 1950. Le cap des 6 milliards d’individus a été passé peu avant le début du XXIe siècle. Actuellement, nous serions 6,8 milliards d’êtres humains à la surface du globe.
Explosion démographique au Sud
Selon la division de la Population des Nations unies, la population mondiale devrait poursuivre sa forte croissance jusqu’en 2075, avec un maximum historique à 9,2 milliards d’habitants avant de se stabiliser progressivement autour de 9 milliards. Cet accroissement est équivalent à la totalité des habitants de la Terre en 1950 et devrait être en grande partie imputé aux pays les moins développés dont la population passera à près de 8 milliards en 2075, contre 1,2 pour les pays les plus développés qui garderont vraisemblablement un taux de population inchangé. Ces derniers, bien que connaissant une baisse de la fécondité avec un taux inférieur au taux de remplacement des générations qui est de 2,1 enfants par femmes, resteraient stables en population grâce à une immigration venue principalement des pays du Sud. Mais ceci n’est que le scénario central, et il en existe bien d’autres.
Vers la stabilité ?
Les démographes des Nations unies ont montré dans un récent rapport qu’il suffit d’ajouter ou de soustraire quelques décimales au taux de natalité envisagé, pour qu’en trois siècles, selon le cas, la population mondiale grimpe à 36,4 milliards ou chute à 2,3 milliards. Une fourchette aussi large laisse songeur et ne permet pas d’augurer raisonnablement de l’avenir. Pourtant, selon François Héran, dans un numéro de 2005 du bulletin mensuel d’information de l’Institut national d’études démographiques (INED) : « Les démographes de l’ONU ont prévenu l’objection : ils assurent qu’il ne s’agit pas de prévoir l’avenir, mais d’extrapoler les tendances actuelles tout en se fixant un but […] Le pronostic a beau être invérifiable, il permet de demander une pause pour définir une nouvelle stratégie. De la même façon, l’ONU nourrit l’espoir qu’un examen attentif des dérives démographiques sur le long terme amènera les sociétés à réagir en cas de besoin. » Ainsi, le caractère improbable, voire terrifiant, de certains scénarios finit en fin de compte par légitimer celui d’un retour à l’équilibre. Tout simplement parce qu’il est le seul à être viable pour l’Humanité à long terme.
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