Pour cerner l'usage et le ressenti du tiers payant par les professionnels déjà engagés, et analyser aussi les freins et les refus, l'observatoire sur les pratiques numériques créé par la société Sephira* a sondé en juillet 2017 un panel particulier de 520 professionnels de santé utilisateurs de ses solutions (parmi lesquels 36,5 % de généralistes, 40 % de spécialistes, 18 % d'auxiliaires médicaux et 5,5 % de sages-femmes).
Premier enseignement : avant même l'année 2017, 51 % des professionnels du panel pratiquaient déjà le tiers payant au-delà des cas légaux obligatoires – 58 % des médecins généralistes et 33 % des spécialistes (et même 84,6 % des infirmières) – sans que l'étude ne précise si cette pratique était très ponctuelle ou régulière.
Selon l'observatoire, la « condition sociale » particulière du patient est la première motivation avancée pour justifier une pratique du tiers payant (68 %), très loin devant la suppression des paiements en espèce (38 %), la demande explicite des patients (31 %) et surtout la conviction personnelle (21 %) ou la loi (11 %)… Cette situation donne du grain à moudre aux syndicats qui défendent le tiers payant « social », à la carte, et refusent toute généralisation à marche forcée.
Correct pour la part AMO, médiocre pour la part complémentaire
L'enquête s'est attardée sur le fonctionnement pratique de la dispense d'avance de frais avec les caisses primaires. Les résultats sont très mitigés. Sur la seule part obligatoire, un quart des professionnels du panel jugent le système « rapide » pour le remboursement, 60 % d'entre eux trouvent le fonctionnement « satisfaisant » (et 15 % le jugent contraignant). Toutefois, même sur la part RO, 22 % des généralistes éprouvent des difficultés avec leur caisse… Pire, la majorité des spécialistes « estiment avoir autant de rejets sur la part AMO qu'auparavant ».
Côté positif, l'étude cite des « bénéfices pratiques » avancés par ceux qui ont franchi le pas : limitation des paiements en liquide et par chèque (38 % des professionnels engagés) ou simplification de la facturation une fois que le patient est enregistré, comme l'assure une pédiatre de Moselle.
Mais sans surprise, le bât blesse sur la part complémentaire avec un bilan peu reluisant pour ceux qui le pratiquent au sein du panel : 70 % des répondants estiment que le dispositif est contraignant, 22 % le jugent simplement satisfaisant avec les complémentaires et 8 % rapide… Cet audit va dans le sens des inquiétudes de la profession qui n'a cessé de refuser toute extension dans les conditions techniques actuelles.
En octobre dernier, Agnès Buzyn avait tiré les leçons d'un rapport de l'IGAS en supprimant la généralisation obligatoire du tiers payant au 30 novembre, initialement prévue dans la loi Touraine, sans toutefois renoncer à l'objectif.
Délégation de gestion, une piste ?
Interrogés par l'observatoire sur les freins personnels au tiers payant, les professionnels qui ne le pratiquent pas répondent très clairement : crainte de pertes financières élevées (43 %) et appréhension du caractère chronophage (40 %). La « délégation de la gestion » pourrait être une solution permettant de sauter le pas, avance l'étude.
Cette solution sera-t-elle reprise dans le rapport que le gouvernement remettra au Parlement avant le 31 mars ? Agnès Buzyn a en tout cas promis une concertation avec tous les acteurs (professionnels de santé, assurance-maladie, complémentaires, éditeurs de logiciels…). Le rapport devra identifier les publics prioritaires et détailler les modalités de mise en œuvre d'un tiers payant intégral « généralisable ».
*Sephira est une société d'édition de logiciels médicaux et d'application santé. Elle propose des solutions de facturation et de télétransmission. Le panel Sephira est particulier dans la mesure où il rassemble des professionnels de santé proactifs qui cherchent à optimiser leur usage du tiers payant.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation