Atmosphère cordiale dans le solennel hémicycle du Conseil économique, social et environnemental : tout le monde se connaît et le tutoiement est de rigueur. Pour autant, l’ambiance n’est pas à la fête. Le CNS, organe consultatif composé de représentants issus du monde médical, universitaire et de la société civile, est trop conscient de ses limites pour verser dans l’autocongratulation.
Comme l’indique l’historienne Michelle Perrot, qui a été membre de cette instance de 1989 à 1999, « nous n’avons pas obtenu tellement de victoires ». Plutôt que d’aligner la litanie de ses avis, le CNS a préféré utiliser cet anniversaire pour revenir sur les mutations intervenues dans le combat contre la maladie depuis 1989. Un regard rétrospectif, qui permet de montrer que la lutte contre le SIDA a été un puissant facteur de transformation des systèmes de santé et France et dans le monde.
Lorsque le CNS a été créé en 1989, il n’y avait pas de traitement contre le SIDA et le sentiment qui prédominait était la peur : comme l’indique Michelle Perrot, avant la trithérapie, « on allait tout le temps au cimetière et au funérarium ».
Pour le Dr François Bourdillon, actuel vice-président du CNS, la médecine a alors dû opérer une véritable révolution culturelle. Sans médicament, les praticiens ont été contraints de mettre l’accent sur les dimensions psychosociales de la maladie, et ont redécouvert les vertus de la prévention. Ils ont également été ramenés à une dure réalité : la médecine peut faire mal, et les victimes du sang contaminé sont là pour nous le rappeler.
Entre préventif et curatif, frontières brouillées
L’arrivée de la trithérapie a modifié la nature de la maladie. « La chronicisation change tout », explique Michelle Perrot. L’espoir pour les malades est revenu, mais la médecine doit une nouvelle fois revoir ses conceptions. Pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres : le traitement fait diminuer les risques de contamination, et ce sont donc les frontières entre curatif et préventif qui sont aujourd’hui brouillées.
Le SIDA a également imposé de profondes transformations au niveau international. Le Pr Michel Kazatchkine, ancien directeur exécutif du Fonds Mondial et actuel envoyé spécial du secrétaire général des Nations-Unies pour le SIDA en Europe orientale et en Asie Centrale, dit avoir été le témoin d’une mobilisation de la communauté internationale sans précédent. D’après lui, c’est en partie l’épidémie de SIDA qui a fait comprendre aux décideurs mondiaux que la santé n’était pas seulement un coût, mais un investissement.
Aujourd’hui, il rappelle que 12 millions de personnes sont sous traitement dans les pays en développement. « Beaucoup d’entre nous ne pensaient pas qu’on pourrait atteindre de tels objectifs », indique le Pr Kazatchkine.
En dépit de ces avancées, le SIDA continue à poser des défis en termes de santé publique. Le nombre de nouvelles infections en France est stable depuis 2007, autour de 6 200 par an. De plus, 30 000 personnes ne savent pas qu’elles sont séropositives : elles sont à l’origine d’une grande partie des nouvelles infections.
Comme l’explique Michelle Perrot, « le temps du SIDA n’est pas clos ».
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