Comment prévenir l'inceste et protéger les victimes ? Après les révélations de Camille Kouchner sur les agissements de son beau-père Olivier Duhamel, qui ont contribué à abattre des murs de silence et de déni (le hashtag #Metooinceste a suscité plus de 80 000 messages sur Twitter en quatre jours), le mouvement s'accélère pour apporter des réponses à ce qui est désormais considéré comme un problème de santé publique.
Selon l’association Face à l’inceste, 10 % des Français, soit 6,7 millions de personnes, déclarent avoir été victimes d’inceste, dont 78 % de femmes.
Consentement et prescription en débat
Gouvernement et Parlement œuvrent sur le plan législatif. Il est notamment question de faire évoluer la loi sur les violences sexuelles et sexistes portée par Marlène Schiappa en 2018. Sur la base de son rapport d'évaluation, où elle pointe les débats qui persistent autour de la notion de consentement, la députée Alexandra Louis devrait bientôt proposer une loi. Celle-ci créerait dans le Code pénal une partie spécifique pour les infractions sur mineurs, interdisant par principe une relation sexuelle entre un majeur et un moins de 15 ans et traiterait aussi de l'inceste - qui ne fait pas aujourd'hui l'objet d'une qualification pénale.
« Sur la question du consentement, je pense que nous devons trouver les moyens juridiques pour criminaliser les relations sexuelles entre un adulte et un enfant de moins de 15 ans », a commenté ce 19 janvier, le secrétaire d'État à l'enfance, Adrien Taquet, au micro d'Europe 1.
Faut-il fixer un seuil d'âge en dessous duquel on ne pourrait pas parler de consentement, une option envisagée par le gouvernement en 2018 avant d'être abandonnée ? Faut-il le fixer à 13 ans, âge de la responsabilité pénale des enfants, ou à 15 ans, âge de la majorité sexuelle ?
Une loi examinée au Sénat ce 21 janvier
Ces questions devraient être discutées ce 21 janvier au Sénat, qui examinera une seconde proposition de loi, celle de la sénatrice centriste Annick Billon. Elle vise à insérer dans le Code pénal un article établissant que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l'auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l'âge de la victime ».
Le délai de prescription devrait de nouveau être discuté : il a été allongé à 30 ans après la majorité d'un mineur victime de viol, par la loi de 2018, Annick Billon devrait proposer de l'étendre à 40 ans, tandis que certaines associations demandent l'imprescriptibilité. Le ministre de la Santé Olivier Véran s'est dit « spontanément très favorable » à cette dernière option, mais a souligné l'existence de problèmes juridiques : « ce n'est pas au niveau de la loi que ça se passe, c'est un sujet constitutionnel », a-t-il déclaré sur France Inter.
Dépister tous les enfants
De son côté, l'association Mémoire traumatique et victimologie, fondée en 2009 par la psychiatre Muriel Salmona, propose gratuitement sur son site Internet, un module de formation en ligne, conçu avec le réseau Skillbar. Destiné aux professionnels de l'enfance, et plus largement à tous les adultes, il vise à mieux repérer les victimes de violences sexuelles afin de les protéger. Ce module est accessible aux personnes en situation de handicap.
En 30 minutes, ce module revient sur la réalité des faits : une fille sur cinq et un garçon sur treize sont victimes de violences sexuelles avant d’atteindre 18 ans, selon l'Organisation mondiale de la santé. Ces violences surviendraient dans la moitié des cas, avant que l'enfant n'ait 11 ans, et dans 20 % des cas, avant ses six ans, considère la Dr Salmona. Dans 94 % des cas, l'auteur appartient à l'entourage et dans 50 % des cas à la famille.
Eu égard à la fréquence du phénomène, le module insiste ensuite sur l'importance de dépister tous les enfants (à l'instar de ce qui se fait pour repérer les femmes victimes de violences) : « Nous donnons des outils pour poser des questions systématiques aux enfants, selon leur âge. Sinon, ils risquent de mettre du temps à parler : seulement 70 % le font, en moyenne 10 ans après, et souvent ils ne sont pas entendus », explicite la Dr Salmona. « Certains enfants vont développer des symptômes, mais d'autres, comme anesthésiés, peuvent passer sous les radars. »
Le dispositif d'auto-formation rappelle enfin les procédures d'alerte et de signalement et l'arsenal législatif. Un précédent module « Protection des personnes en situation de handicap » a déjà obtenu le soutien du secrétariat d'État en charge du handicap. Ses promoteurs - bénévoles - espèrent une reconnaissance semblable pour ce second module « Protection de l’enfant contre les violences sexuelles », qui en est à sa deuxième version, enrichie du retour des utilisateurs de la première version.
(MAJ 20 janvier, 13h30)
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