« COMMENT un enfant supporte-t-il une épreuve majeure, excessive comme celle du cancer ? Comment peut-il y préserver, ou y perdre, la confiance en lui-même, en ses parents, en la société ? » Comment un psychothérapeute peut-il l’aider dans ce parcours ? Quelle est sa place et comment peut-il aider l’enfant à préserver sa liberté pour qu’il ne soit le support d’aucune cause, pas plus celle des soignants que celle des parents ? C’est à ces questions que tente de répondre Daniel Oppenheim dans « l’Enfant très malade approché dans ses dessins », avec beaucoup de prudence et d’humilité, en témoignant de ses années auprès d’enfants très malades.
« Le dessin est le lieu de l’illusion qui dit le vrai », écrit-il joliment. À condition de ne pas le prendre au premier degré. De ne pas se satisfaire des évidences, ni des images, tout en y étant attentif, de travailler avec le corps, le temps et les séparations, celle de l’enfant avec celui qu’il était avant la maladie, celle d’avec ses parents, celle de la fin des traitements, celle de la mort. « Les actes de créativité aident les enfants à lutter contre l’excès de réalité de la maladie », écrit Daniel Oppenheim, pour qui les dessins occupent une place privilégiée dans son travail avec eux.
À quoi sert le psychothérapeute dans ces situations souvent extrêmes ? À trouver avec l’enfant le chemin de l’appartenance à l’humain, pas seulement celui de l’apparence lorsque la maladie et ses traitements le transforment si radicalement et parfois définitivement, à reconnaître la permanence de son identité irréductible, explique-t-il. Comme avec le jeune Daniel, 8 ans, atteint d’une tumeur cérébrale, aux autoportraits en forme de robot ou d’extraterrestre ou avec Alice, se dessinant avec une chevelure noire tranchante et lourde comme une enclume, hérissée de pointes monstrueuses lui pénétrant le crâne. Même dans ces situations limites, un homme n’est pas un « chien-loup » affamé comme celui sous les traits duquel se représente le jeune Noël, explique Daniel Oppenheim, pourtant cet enfant malade est autorisé à en douter et il est de notre responsabilité de l’aider à en retrouver la certitude quand seul il en est devenu incapable.
Ce beau récit d’une pratique clinique, qui souhaite s’inscrire dans la chaîne de transmission d’une expérience qui peut avoir valeur pour tous, s’articule autour de nombreuses histoires, dont chacun peut mesurer la complexité et l’intensité émotionnelle potentielle, et témoigne du cheminement effectué et des épreuves traversées par les enfants, sans faire mystère des questionnements parfois douloureux,mais souvent féconds du thérapeute.
Mille et une ressources colorées.
Chaque semaine, des infirmières de soins palliatifs organisent un atelier où chacun, patients et membres de l’entourage, peut venir dessiner, peindre, modeler. Les émotions qui s’expriment par les couleurs ou le trait sont puissantes. Les pages du livre qui proposent quelques-unes de ces œuvres parfois ultimes, « Le dire en couleur », « témoignent que la vie, dans toutes les circonstances, même les plus douloureuses, peut gagner du terrain et s’élargir », écrit en préambule le philosophe Alexandre Jollien. De fait, les réalisations présentées ici, qu’elles soient dessin abouti, touche de couleur ou croquis arraché à la souffrance, « contribuent à la mort des regrets » et témoignent des mille et une ressources des malades que la bienveillante ingéniosité d’une équipe soignante à réussi à faire parler. « Moi qui n’ai jamais peint, c’est comme si cela était vital maintenant », écrit Madame H, dont la fin de vie est rythmée par sa dyspnée, en légende de son dessin, concentré de tâches très colorées cernées de vert très foncé.
Daniel Oppenheim, « l’Enfant très malade approché dans ses dessins », Éditions de L’Olivier, 107 p., 12 euros.
Josiane Lei, Christiane Vailloud, Francine Warmé, préface d’Alexandre Jollien, « Le dire en couleur - Les maux se dessinent », Éditions Médecin et Hygiène, 82 p., 25 euros.
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