LES TMS SONT au premier rang des maladies professionnelles. Les coûts liés à l’incapacité prolongée représentent plus de 60 % des incapacités. Pour le patient, l’absence de retour à une activité professionnelle est source de précarité. C’est la première des maladies professionnelles déclarées. Source de souffrance au quotidien, les TMS sont inégalement réparties dans la population. Un ouvrier sur 2 est touché après 50 ans, d’autant plus qu’il est peu qualifié.
La prise en charge médicale est difficile et souvent décevante. La prévention apparaît tout aussi compliquée. Car elle suppose une remise en cause majeure de nos certitudes et de nos pratiques. En impliquant une multitude d’acteurs bien au-delà des médecins, elle nécessite sans doute de changer de paradigme en resituant l’homme au cœur du travail.
Le Pr Yves Roquelaure (Service de pathologie professionnelle et psychosociale, CHU Angers, Laboratoire d’ergonomie et d’épidémiologie en santé au travail, université d’Angers) lance un cri d’alarme : « Comment les gens vont-ils pouvoir continuer à travailler jusqu’à 67 ans ? » La contradiction est en effet flagrante : allongement programmé de la durée du travail dans un contexte d’intensification du travail touchant des populations fragilisées. Multifactoriels – il n’y a « pas une cause mais des raisons » –, les TMS sont liés et aggravés par le travail. L’activité gestuelle et posturale (effort, répétitivité, postures extrêmes…) n’est pas seule en cause. Interviennent aussi des caractéristiques psychologiques, sociologiques et individuelles (surpoids, diabète, âge...). Auxquelles s’ajoutent les activités extraprofessionnelles (sport, activités ménagères, jardinage, bricolage).
Les TMS évoluant vers la chronicité, la prise en charge est difficile et les filières de soins spécifiques sont à développer.
Stratégies d’écoute.
Pour François Hubault (ergonome, université Paris-1, centre Thénard), la prévention nécessite de changer de « manière de voir » et de dépasser l’approche unicausale de l’entrée par le poste de travail ou de l’entrée par le geste et le mouvement. Car ce qu’on gagne d’un côté, comme l’économie des gestes élémentaires, la réduction des emprises au sol ou les espaces entre les postes, on le perd de l’autre : réduction des libertés de mouvements, augmentation de la dépendance organisationnelle, réduction des temps de récupération. « Le travail est une interpellation de l’homme au monde, où il est mis à l’épreuve du réel. Mais tout le monde n’a pas le même réel. Les tensions qui peuvent exister chez un individu doivent pouvoir trouver une voie d’expulsion. D’où l’importance de réaliser la tâche dans ses intentions plutôt que dans ses procédures et de mettre en place des stratégies d’écoute en reconnaissant la valeur de la parole des salariés. La prévention suppose confiance, crédit, coopération. »
Le cas de l’abattoir de Mirecourt, dans les Vosges, est intéressant en ce qu’il montre comment les TMS peuvent changer la gestion d’un service de Ressources humaines en l’invitant à s’investir dans la prévention. L’expérience est présentée conjointement par Josiane Voisin, ergonome, et Éric Guillochon, le directeur du site. L’entreprise d’abattage est confrontée à un nombre important de TMS, avec son cortège d’absentéisme et d’accidents du travail. Les faits s’enchaînent, chacun cherchant la cause au regard de sa fonction dans des comportements supposés ou observés, les travailleurs s’opposant les uns aux autres : management trop dur pour les uns, population pas sérieuse pour les autres… Après avoir tenté de mettre en place des améliorations physiques des postes de travail, la direction et les préventeurs comprennent très vite que le problème est ailleurs. Se pose alors la question de la place de l’organisation du travail et de la place des hommes dans celle-ci. La parole libérée et organisée a permis de faire comprendre que le point de vue de l’autre n’était pas le sien, passant ainsi d’une logique d’opposition à une logique de compréhension et d’échange. Cela a permis de révéler que le travail d’ouvrier d’abattoir était une véritable expertise. Le retentissement sur la vie privée a aussi été souligné, les horaires de la fin du travail étant en permanence incertains.
En incitant les agents de maîtrise à exprimer la réalité des situations, les responsables, directeur et RH, sont conduits à ne plus être dans le jugement et à reconnaître la compétence de la maîtrise en management. Ils deviennent aussi les vecteurs d’une culture où, en prenant soin du travail, on prend soin de la santé. Les résultats positifs n’ont pas tardé en matière d’absentéisme, de maladies professionnelles et d’accidents de travail.
Cette expérience montre que sans l’implication de la hiérarchie, qui a compris que tout le monde avait à gagner à ce type de démarche, rien n’aurait été possible.
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